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bien au centre et l’embrasse tout entier. Le roi allemand ne voit pas l’horizon : toujours par voies et par chemins, il chevauche dans le vague à la recherche de l’indéterminé[1]. »

La réussite sinon continuée du moins générale de la politique capétienne implique comme la condition de sa bonne fortune une vigilance sans cesse en haleine sur tout un détail d’intérêts délicats. Aux questions qui intéressent une continuité nationale, la vie même d’un peuple, il faut cette attention perpétuelle qui a pour organe, avec une famille qui les incarne et les représente, un personnel stable, parfois héréditaire, comme l’étaient autrefois les incomparables commis des affaires étrangères, comme le fut, sous des rois médiocres, le Foreign-Office anglais. La politique étrangère, objet capital de l’activité politique, vit de continuité et meurt de discontinuité et d’incohérence. Sur cette idée capitale de la continuité monarchique opposée à la discontinuité d’une démocratie, M.  Maurras a écrit son livre de Kiel et Tanger, et, plutôt que d’examiner ses idées dans leurs principes généraux qui énoncent fortement quelques vérités de sens commun, je préfère les suivre dans leur application aux événements de la politique extérieure républicaine, là où ces principes devraient s’assouplir, se colorer, permettre à toutes les nuances du jugement d’épouser la complexité des faits et la mobilité de la durée.

XI
DE LA CONTINUITÉ POLITIQUE

Kiel et Tanger porte pour sous-titre : la République Française devant l’Europe, C’est un essai de démonstration que la politique extérieure est interdite à un état républicain et que le plus sage pour lui sera de n’en pas faire du tout. Une république radicale, pour qui la « politique extérieure » consiste à passer, en Asie-Mineure, les subventions des instituteurs congréganistes aux instituteurs laïques et à aligner à la Haye

  1. Bryce, Le Saint Empire, p. xxxiv.