les clauses de traités d’arbitrage, sera moins dangereuse qu’une République opportuniste et modérée qui aura l’illusion de pouvoir faire quelque chose, s’essaiera aux longs espoirs et aux vastes pensées, et s’allongera nécessairement par terre comme un Sancho Pança monté sur un pur-sang. « J’apporte, quant à moi, une démonstration précise de cette vérité que : sept ans de politique d’extrême-gauche, les sept ans de révolution qui coururent de 1898 à 1905, firent à la patrie française un tort beaucoup moins décisif que les trois années de République conservatrice qui allèrent de 1895 à 1898. En se donnant à elle-même l’illusion d’un certain ordre public au dedans, d’une certaine liberté d’action au dehors, la République conservatrice nous a perdus : c’est elle qui nous a placés entre l’Angleterre et l’Allemagne, comprenez entre les menaces de ruine coloniale et maritime ou le risque du démembrement de la métropole[1]. » Je m’empresse de signaler la légère inexactitude avec laquelle je cite ce texte. M. Maurras a souligné comme capitale la seconde partie de la première phrase, depuis « sept ans », jusqu’à « 1898 ». J’ai fait passer les italiques à d’autres lignes, on verra tout à l’heure pourquoi.
Kiel et Tanger développe et illustre en cinq cents pages ce syllogisme : Il n’y a pas de politique extérieure sans continuité. Or un gouvernement électif et parlementaire manque, par définition, de continuité. Donc il ne peut faire de politique extérieure. Kiel et Tanger est l’histoire de deux politiques extérieures successives, celle de deux ministres qui disposèrent d’un grande mortalis œvi spatium — quelques années — unique dans les annales parlementaires. La politique de M. Hanotaux, celle de Kiel, fut une politique coloniale qui devait nous heurter à l’Angleterre, et qui sombra à Fachoda. La politique de M. Delcassé fut une politique continentale qui, dirigée contre l’Allemagne, nous mena à Tanger, à « l’humiliation sans précédent » (et plus loin… Le livre est arrêté à 1913). Les deux systèmes échouèrent faute de la double continuité nécessaire : continuité dans le temps (manque d’une tradition, d’une suite, politique personnelle des deux ministres responsables devant des ignorants simples comme les parlementaires ou des ignorants doubles comme les présidents Faure, Loubet et Fallières), — continuité dans l’espace (manque de liaison et de coordination de la diplomatie, organe de ruse, avec les services de l’armée et de la marine, organes de force, la politique anti-anglaise de M. Hanotaux coïncidant avec
- ↑ Kiel et Tanger, p. CXIII.