nos termes de comparaison dans l’espace au lieu de les chercher dans le temps, nous verrons République et monarchies suivre les mêmes traverses, commettre les mêmes erreurs, aboutir, l’année qui suivit Kiel et Tanger, aux mêmes tragédies.
Je crois, contre M. Maurras, que ce n’est pas la continuité et l’intelligence du but, mais la continuité des efforts et l’intelligence des moyens qui ont fait défaut à la politique républicaine. Selon lui la troisième République n’a connu que deux systèmes politiques contraires, le système Hanotaux-Fachoda, le système Delcassé-Tanger. En réalité il n’y eut qu’un système, mené avec une continuité relativement louable, le même sous M. Hanotaux et sous M. Delcassé, mais avec les moyens du moment, — et bien antérieur à M. Hanotaux, puisqu’il a sa double origine dans deux événements à peu près contemporains : le congrès de Berlin et la fondation de la République opportuniste.
Le congrès de Berlin constituait, dans la pensée de Bismarck, une première tentative pour appliquer d’une façon large et décisive, en vue d’une longue paix dont l’Allemagne industrielle avait besoin, le principe politique né au XVIIIe siècle, celui des compensations, principe qui depuis le premier partage de la Pologne fait partie du droit public européen, et que les traités de Versailles et de Saint-Germain ont maintenu en l’enrobant de phraséologie calviniste et révolutionnaire, assure aux dépens des faibles la paix entre les forts. Convoqué par le chancelier pour prévenir une guerre de l’Angleterre et de l’Autriche contre la Russie, le congrès devait servir, en outre, à diriger vers le Sud, par des compensations ottomanes, la politique des vaincus de 1866 et des vaincus de 1871 : d’où l’occupation de la Bosnie-Herzégovine par l’Autriche-Hongrie, la permission donnée à la France par l’Angleterre et l’Allemagne d’entrer en Tunisie quand elle le voudrait.
C’est l’époque précisément où les partis monarchistes sont écrasés, où la République opportuniste et anticléricale s’établit. Elle trouve une situation intérieure délicate. L’idée de la revanche française est considérée par l’Europe, en même temps que la forme républicaine elle-même, comme un élément de menace. 1870, 1873, 1875 ont montré que dans un conflit entre la France et l’Allemagne l’Europe, opinion et gouvernements, serait contre l’agresseur présumé. Si la France concentrait toute sa politique dans la préparation visible de la revanche, elle resserrait d’autant les ententes nouées par Bismarck tant avec la Russie qu’avec l’Autriche. Gambetta avait compris que