Page:Thibaudet – Trente ans de vie française – Volume I.djvu/42

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participaient à la même culture plutôt que ceux qui appartenaient à une même origine, — tout ce que Rome redit en plus belles phrases encore dans le discours de Cerialis. Et après tout, en cherchant bien, ne retrouverions-nous pas dans la cité antique, la minant ou l’élargissant, les quatre États confédérés que dénonce M. Maurras, — juif, protestant, maçon, métèque ? — Le juif, ou plus généralement le Sémite, a commencé ses infiltrations en Grèce de bonne heure puisque bien avant Alexandrie et saint Paul il lui a apporté des dieux, et d’abord Vénus Astarté ; même, d’après Strabon et les arguments irréfutables de M. Victor Bérard, l’Odyssée divine, fille de l’onde amère, fait ruisseler encore en tordant ses cheveux des fragments reconnaissables des vieux périples phéniciens. La haine et les échanges entre Grecs et Sémites entretinrent dans tout le monde antique la vie même de la Méditerranée, et, bien qu’Alexandre, destructeur de Tyr, n’ait conquis le monde que pour qu’on en parlât à Athènes, le foyer intellectuel d’Alexandrie, en supplantant Athènes, installa les tentes de Sem sur une Grèce desséchée, cataloguée, classée, utilisée et conquise. — La place occupée par les protestants dans le monde moderne fut tenue à peu près dans la cité antique par les philosophes, par cette souveraineté de l’examen qui prit naissance à Athènes, qui correspondit d’abord, avec Socrate, à une idée plus exacte et plus intérieure de la religion, mais qui, ainsi que l’avaient parfaitement discerné les accusateurs de 399, engendrait plus sûrement encore la dissolution de l’état politique et religieux et cette souveraineté de l’individu, dogme commun de toutes les sectes cynique, épicurienne, stoïcienne et académicienne au IIIe siècle. Quand la philosophie maîtresse du monde réalisa avec l’avènement de Marc-Aurèle le rêve de Platon, le résultat ne fut pas sans analogie avec l’intronisation de l’esprit de la Réforme au XVIIIe siècle. — La maçonnerie étant une société secrète, pour reconnaître à Athènes l’état-maçon, il faut en regarder l’histoire moins au soleil des généralités qu’à la loupe analyste des textes. Or on expliquerait avec vraisemblance l’histoire intérieure d’Athènes au IVe siècle par l’influence, l’action, les luttes acharnées des sociétés secrètes, des « hétairies » que signalent Thucydide et Xénophon. Elles sont à l’origine des gouvernements des Trente et des Quatre-Cents, elles nationalisent, laconisent ou philippisent, — et les procès de la mutilation des Hermès et de la parodie des Mystères, principal rayon qui nous permette de les reconnaître, nous les montrent solidarisées par des cérémonies bizarres analogues à celles que pratiquent dans la lumière du troisième