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par une escorte d’idées lorraines et ce n’est pas aujourd’hui, certes, que je répudierai ces fidèles compagnes de ma pensée. Mieux que jamais, j’ai compris ce que je dois à ma province, le jour où le vote de l’Assemblée nationale m’a élevé à la première magistrature du pays. Combien de fois depuis lors ai-je entendu dans la foule, à Paris, à Montpellier, à Toulon, à Cherbourg, à Calais, au Havre, le cri répété de : Vive la Lorraine ! Je ne me suis pas mépris sur la signification de ces vivats adressés à notre pays. Ils n’étaient ni l’expression d’une préférence pour une partie de la France indivisible, ni la manifestation d’un chauvinisme agressif. Ils n’étaient qu’un hommage spontanément rendu par des Français de toutes les régions à une contrée dont les habitants ont subi les rigueurs des destins contraires et se sont accoutumés dans la souffrance à la pratique de nos meilleures vertus nationales. »

V
L’ŒUVRE DE GUERRE


Les cinq années de la grande guerre ont placé dès lors M. Barrès dans une lumière originale, lui ont donné pour la masse de l’opinion civile et militaire une figure populaire. Elles lui ont fait jouer un rôle politique plus conséquent et plus grave que celui qu’il assuma sur notre théâtre intérieur au temps du boulangisme, du Panama et de l’Affaire Dreyfus. Mais ce rôle politique n’est que la suite du premier, ou plutôt le premier, qui consistait à créer et à propager une doctrine nationaliste contre l’étranger, appelait, comme sa mise à l’épreuve et sa conclusion, la guerre.

Le Sorel futur qui résumera les antécédents de la grande guerre et qui donnera une réplique au premier volume de l’Europe et la Révolution Française ne pourra manquer de faire en belle lumière un tableau des différents mouvements nationalistes, qui, dans les premières années du XXe siècle, ont hérissé les frontières intellectuelles des peuples. Au Service de l’Allemagne et Colette Baudoche ont attesté