Page:Thibaudet – Trente ans de vie française – Volume II.djvu/326

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Un Homme Libre à ne plus voir rien d’intéressant dans le Sainte-Beuve des Lundis : « À Dieu ne plaise que je m’abaisse à discuter avec les gens de bon sens qui sacrifient ton adolescence à ta maturité ! » Des morceaux comme le 2 novembre en Lorraine nous le font voir cherchant pour s’abuser lui-même de magnifiques synonymes à l’automatisme, épousant « un vertige délicieux où l’individu se défait pour se ressaisir dans la famille, dans la race, dans la nation » et toujours une pente descendante, celle d’un effort qui décroit, d’une parcelle un instant soulevée qui retombe et qui s’en va épaissir la cendre des morts. Le Roman de l’Énergie Nationale est le roman de l’énergie qui tourne court. Toute l’œuvre de M. Barrès fait une variante sur le principe de Carnot, la dégradation de l’énergie. Venise et la Lorraine lui en ont fourni en deux langues des symboles délicats. Nous l’avons vu, artiste de vie et de mots et doctrinaire politique chercher, essayer, rejeter les belles attitudes qui arrêtent un instant cette dégradation. Et toutes ces époques, rentrant l’une dans l’autre avec une logique qui nous enchante, composent encore un des plus beaux dessins de vie humaine, qu’au moment d’en vivre ou d’en évoquer une autre les hommes des temps nouveaux puissent tenir sour leurs yeux.