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LA CONNAISSANCE

II
LA CONSCIENCE

La conscience, c’est-à-dire la personnalité psychique, s’explique, comme le corps, personnalité physique, en termes non de connaissance, mais d’action. « Dans le domaine psychologique, conscience ne serait pas synonyme d’existence, mais seulement d’action réelle ou d’efficacité immédiate, et l’extension de ce terme se trouvant ainsi limitée, on aurait moins de peine à se représenter un état psychologique inconscient, c’est-à-dire, en somme, impuissant[1]. » Le rôle de la conscience est « de présider à l’action et d’éclairer un choix ». Dès lors la conscience est présente à l’action et au choix, elle n’est pas présente quand il n’y a ni action ni choix, et c’est dans ce sens qu’il y a chez nous une vie psychologique inconsciente. C’est tout comme les objets matériels, que nos états psychologiques inactifs existent hors de notre conscience présente. Une illusion, due elle-même aux nécessités de l’action, veut que l’espace nous paraisse « conserver indéfiniment des choses qui s’y juxtaposent, tandis que le temps détruirait, au fur et à mesure, des états qui se succèdent en lui[2] ». C’est que « la partie non perçue de l’univers matériel, grosse de promesses et de menaces, a pour nous une réalité que ne peuvent ni ne doivent avoir les périodes actuellement inaperçues de notre existence passée[3] ». En d’autres termes l’univers matériel représente des possibilités d’action, tandis que le passé est ce qui n’agit plus, ce qui, dès lors, tombe dans l’inconscience, jusqu’au moment où, à quelque occasion, le mécanisme de la mémoire l’utilisant pour l’action l’incorpore au présent. L’espace s’ouvre donc à notre action exactement dans la mesure où le passé lui est fermé.

Explication sans doute exacte, mais peut-être incomplète, Le social

  1. Matière et Mémoire, p. 153.
  2. Id., p. 155.
  3. Id., p. 150.