Page:Thibaudet – Trente ans de vie française – Volume III – TII.djvu/146

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
132
LE BERGSONISME

dans des conférences, genre intermédiaire entre la conversation et le livre, et qui, s’il aboutit au livre, le fait presque en s’excusant. Mais il estime que, si le philosophe ne peut encore apporter ici de précision, cette lacune est probablement provisoire. « Avouons notre ignorance, mais ne nous résignons pas à la croire définitive. S’il y a pour les consciences un au-delà, je ne vois pas pourquoi nous ne découvririons pas le moyen de l’explorer. Rien de ce qui concerne l’homme ne saurait se dérober de parti-pris à l’homme. Parfois d’ailleurs le renseignement que nous nous figurons très loin, à l’infini, est à côté de nous, attendant qu’il nous plaise de le cueillir[1], »

Ne confondons pas le problème de la mort et de la survivance, et celui de l’immortalité. Une solution positive du problème de l’immortalité serait contradictoire avec le principe même d’une philosophie de la durée. « Toute expérience porte sur une durée limitée » et une prévision portant sur une durée indéfinie est impossible, même à Dieu, surtout à Dieu, puisqu’elle nierait cette création de nouveau et cette puissance propre de la durée qui sont incorporés à l’être. Aucun être, même supraconscient, ne connaîtra jamais dans l’univers quoi que ce soit sub specie œterni. Mais il n’en est pas de même de la survivance dans la durée. Nous pouvons peut-être arriver à des résultats positifs, soit en savants par des études sur la mort, soit en philosophes par des réflexions sur la vie.

Si M. Bergson n’a pas procédé à des études qui se rattachent au premier point de vue, il s’est intéressé à ces études, puisqu’il a été élu président de la Society for psychical Research de Londres, et qu’il y a fait une conférence sur les « Fantômes de vivants ». Les faits télépathiques lui paraissent démontrés par les enquêtes consciencieuses auxquelles se sont livrés les psychiciens. Ils sont peut-être à point pour être interprétés et étudiés comme des phénomènes normaux et ordinaires. « Si la télépathie est réelle, il est possible qu’elle opère à chaque instant et chez tout le monde, mais avec trop peu d’intensité pour se faire remarquer, ou de telle manière qu’un mécanisme cérébral arrête l’effet, pour notre plus grand bien, au moment où il va franchir le seuil de notre conscience. Nous produisons de l’électricité à tout moment, l’atmosphère est constamment électrisée, nous circulons panni les courants magnétiques ; pourtant des millions d’hommes ont vécu pendant des milliers d’années sans soupçonner l’existence de

  1. Énergie Spirituelle, p. 29.