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Page:Thibaudet – Trente ans de vie française – Volume III – TII.djvu/267

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CONCLUSION

nous devons nous maintenir, c’est le tychisme(a) et un monde en croissance. » Soit. Mais le tychisme d’abord : et le tychisme ne va pas sans une décroissance, une décadence, une détente toujours possibles. La philosophie la plus riche peut-être d’élan vital, la plus bergsonienne avant M. Bergson, celle de Schopenhauer, aboutit à une démission de l’élan vital, au pessimisme et à la négation du vouloir-vivre. Une partie de l’Asie nous montre l’humanité conduite à une démission du même genre. L’Allemagne, après l’échec de sa grande transgression organisatrice, paraît incliner vers cette impasse et cette démission, où les imprudents qui l’y pousse ne font probablement qu’accroître leurs chances de l’y suivre. Mais Socrate, le philosophe du dialogue, était aussi le philosophe des métiers. La tradition occidentale d’une doctrine qui, si on en arrête le mouvement, peut bien sembler sur une de ses faces un anti-héllénisme et un anti-intellectualisme, mais qui n’en fait pas moins de l’intelligence et de l’héllénisme les libérateurs de l’élan vital, — l’accent qu’elle met constamment sur les valeurs de lucidité et de précision, d’énergie spirituelle et de création, — tout concourt à la désigner comme la pointe d’un effort intellectuel où un délicat et solide « tychysme » a fait rejoindre, d’une façon à la fois inattendue et logique, l’élan désintéressé de la réflexion philosophique et l’élan intéressé du travail humain.


(a). En anglais Tychism