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6. « Salammbô »


Le 31 mai 1856, Flaubert expédie à Du Camp le manuscrit de Madame Bovary. Il est entendu que le roman paraîtra le plus tôt possible dans la Revue de Paris, que dirige Du Camp avec Amédée Pichot. Les deux anciens amis se sont réconciliés. Leur correspondance ayant été en grande partie détruite, nous ne savons rien des événements qui les rapprochèrent. Mais sans doute l’achèvement de Madame Bovary rendit ce rapprochement aussi naturel que l’élaboration du roman avait fait nécessaire la rupture antérieure et l’isolement farouche à Croisset. Il s’agit de publier l’œuvre, de la produire, de s’imposer par un succès, et autant Du Camp gênait et irritait Flaubert par son insistance quand celui-ci n’avait soif que de solitude et de travail, autant il sera maintenant utile à sa Bovary en âge de sortir et d’être présentée dans le monde. La rupture avec Louise a d’ailleurs facilité la réconciliation avec Maxime.

Mais Flaubert n’est pas un de ces auteurs passifs, indulgents et commodes qui plaisent aux directeurs de revue. Il voudrait voir paraître sa Bovary tout de suite. Il écrit le 9 septembre à Bouilhet que « voilà déjà cinq mois de retard…, rien que ça ! Depuis cinq mois je fais antichambre dans la boutique de ces messieurs ! » (Cela fait trois mois.) En réalité, c’est juste quatre mois après l’achèvement du manuscrit que Madame Bovary commence à paraître dans le numéro du 1er octobre pour finir en six numéros, le 15 décembre. Peu de temps après ont eu lieu les débuts de Bouilhet au théâtre : Madame de Montarcy est représentée à l’Odéon le 6 novembre,