Page:Thibaudet - Gustave Flaubert.djvu/200

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rents régimes politiques ; la République de 1848 lui avait donné une mission en Orient, Napoléon III l’avait reçu à Compiègne, l’avait décoré (en même temps que Ponson du Terrail), la troisième République lui attribua une pension de trois mille francs, après des incidents pénibles, qui, exploités par ses ennemis de la presse, l’humilièrent cruellement. Il vit avant sa mort Maxime Du Camp reçu à l’Académie française. Il put reprendre les thèmes de la première Éducation sentimentale et méditer sur leurs deux carrières, tristement et orgueilleusement.

Les dernières années de Flaubert, leurs tristesses, cette ruine, et, du fait de sa nièce, sa brouille avec l’ami dévoué des vieux jours, Laporte, la fidélité en revanche de ses amis littéraires, les fêtes de la Saint-Polycarpe, ont été racontées avec une excellente information par M. René Dumesnil. Une attaque tua Flaubert le 8 mai 1880 à cinquante-huit ans quatre mois. Il y a dans le Journal d’Edmond de Goncourt un récit de ses obsèques, que lui-même eût aimé.

Croisset fut vendu et détruit, sauf le pavillon où travaillait Bouilhet. Bouvard et Pécuchet, inachevé, parut dans la Nouvelle Revue, avec les mêmes coupures prudentes que, vingt-trois ans plus tôt, Madame Bovary dans la Revue de Paris ; et l’histoire posthume de Flaubert commença.

Elle nécessiterait un livre entier, qui comporterait trois parties.

D’abord l’histoire de son influence sur les artistes, qui fut immense, en France surtout, mais aussi en Angleterre, en Italie, en Allemagne. Il y a vraiment une École de Flaubert, école provinciale dont il est, celle où Le Poittevin et Bouilhet l’encadrent. École Flaubert, proprement dite : il a formé lui-même le plus grand de ses disciples, Maupassant, une manière de Flaubert fils comme il y a Dumas fils. Fait unique : les quatre grands romans de Flaubert ont commandé quatre secteurs d’influence très distincts.

Ensuite l’histoire du goût public et du sentiment de la critique en ce qui concerne Flaubert, la résistance désespérée que lui opposent les soutiens du roman académique, les réticences de la critique universitaire, le dommage qu’il subit au XXe siècle quand l’oratoire est déclassé.

Enfin l’aventure singulière de son œuvre posthume, qui