Page:Thibaudet - Gustave Flaubert.djvu/220

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et Pécuchet termine en drame satyrique et en parodie l’œuvre de Flaubert. Lui dont la jeunesse même avait eu certaines parties de vieillard, il fallait que l’esprit de la parodie, esprit à la fois puéril et vieux, lui fournît comme figures de la vie ces vieillards qui ont manqué leur vie, qui essayent d’en refaire une avec des fantômes livresques et sociaux, et qui, déjà des ombres, nettoient avec des ombres de brosse une ombre de carrosse. Une existence littéraire, depuis Rousseau, se conclut volontiers sur ces œuvres qui scandalisent le conformisme de la critique, mais où un artiste, à l’heure de la vieillesse et de la mort, a au moins la satisfaction d’ouvrir toute son arrière-boutique, et de parler net, avant de partir. Ce sont les Rêveries du promeneur solitaire, c’est la Vie de Rancé, c’est l’Abbesse de Jouarre, c’est Bouvard et Pécuchet. Et tout cela n’empêche pas cette parodie d’être parodiée à son tour, ce rire triste de céder devant un rire frais, la jeunesse et la beauté de croître et de passer, et le point final d’une expérience d’homme de ne faire qu’un petit flocon d’écume sur la suite indéfinie de l’expérience humaine.