Et Flaubert devint un grand écrivain le jour où il vit et sut cela, où il connut que le vieux style oratoire qui faisait le fond de son génie devait s’adapter, se soumettre, se faire accepter, s’incorporer des dissonances, tempérer Chateaubriand par La Bruyère, le nombre par la coupe. Il fallait que le style de la première Tentation passât par celui de Madame Bovary pour devenir celui de Salammbô. Et de roman en roman, l’oratoire s’atténua, se fondit, jusqu’au dépouillement et à la sécheresse de Bouvard et Pécuchet dont les phrases ne durent passer au gueuloir que par suite d’une vieille habitude.
Malgré ces corrections progressives, la présence de l’oratoire suffit pour établir un fossé entre Flaubert et toute une école française. En face de Stendhal d’une part, des Goncourt d’autre part, Flaubert fait fonction d’un classique, d’un ancien, devant des modernes ou des modernistes.
C’est de Flaubert que parle Zola lorsqu’il écrit : « De grands écrivains, qu’il est inutile de nommer ici, nient radicalement Stendhal, parce qu’il n’a pas la symétrie latine et qu’il se flatte d’employer le style barbare et incolore du Code, et ils ajoutent avec quelque raison qu’il n’y a point d’exemple qu’un livre écrit sans rhétorique se soit transmis d’âge en âge à l’admi-