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Page:Thibaudet - La Campagne avec Thucydide, 1922.djvu/246

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cains, dont l’opinion fut en somme prépondérante. L’Angleterre n’avait d’intérêt primordial qu’à la destruction de la puissance maritime allemande, et elle sut y veiller. Mais la dissolution de l’unité allemande, contemporaine de la dissolution de l’unité russe, n’eût laissé subsister sur le continent européen qu’une seule puissance de premier ordre, malgré ses terribles saignées, la France. L’Angleterre ne le jugea sans doute pas plus utile que Sparte n’estima expédient de ne laisser dans la Grèce continentale qu’un seul État fort, Thèbes. Une France et une Allemagne constamment ennemies, jamais abattues, l’Angleterre en a besoin dans son échiquier politique. Ce besoin, en 1814 et 1815 — comme auparavant en 1713, — s’employa au service et au salut de la France, de même qu’il a pu s’employer en 1914 au service (et peut-être au salut) de l’Allemagne. Attendons (métaphoriquement) ce qu’amènera vers 2013 ou 2014, si ce rythme par centenaires continue, le même jeu de bascule.

Il est intéressant de noter, à ce propos, que la décision de Sparte qui sauva Athènes allait procurer rigoureusement, quarante ans plus tard, à Sparte son propre salut. L’éventualité qui pouvait paraître en 404 la plus problématique se réalise. Thèbes échappe de l’alliance de Sparte, acquiert autour du génie d’Épaminondas une formidable puissance, inflige à Sparte une défaite pire qu’Ægos-Potamos ne l’avait été pour Athènes, puisqu’amputée de la Messénie et réduite à un millier de citoyens, Lacédémone cessera d’être dans le Péloponèse l’État prépondérant. Peu s’en faut, à deux reprises, qu’Épaminondas n’achève son triomphe par la prise de Sparte. Si sa victoire n’est pas totale, c’est que les forces d’Athènes, alors reconstituées, se portent tout entières contre lui,