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Page:Thibaudet - La Campagne avec Thucydide, 1922.djvu/247

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et qu’il doit compter après Leuctres avec la levée en masse, sous Iphicrate, de douze mille hoplites athéniens. Lorsque, dans sa dernière campagne, il marche sur Mantinée avec cette grande armée de trente-trois mille hommes qui doit achever la ruine de Sparte, c’est la cavalerie athénienne qui sauve Mantinée, et, dans ces jours tragiques, diffère jusqu’à sa mort la victoire stérile du héros thébain. Athènes abattue en 404, Sparte l’eût donc suivie inévitablement dans sa chute.

La politique suffit à expliquer la ligne suivie par Sparte en 404, par l’Angleterre en 1918. Pour organiser sa paix, l’Allemagne pensa trouver en Erzberger exactement le même homme qu’Athènes en Théramène. Mais y eut-il à Versailles, dans la pensée des uns ou des autres parmi les Cinq, et en Europe et outre-mer, dans le chœur de ceux qui écrivent, réfléchissent ou sentent, une idée où pût s’amorcer une légende analogue à celle du chœur d’Euripide ? L’Allemagne sur le bord de l’abîme a-t-elle été protégée par un grand souvenir de civilisation, par une lumière de son génie ? Peut-être. L’Allemagne a gardé auprès des peuples anglo-saxons, de langue et de religion en somme germaniques, le bénéfice de ce fait qu’elle est le foyer et l’ordre du germanisme. Le nationalisme français, avec M. Barrès et M. Maurras, et aussi M. Boutroux, a conspiré à cette idée : il s’en est pris au germanisme en son entier, en son bloc, en son être, depuis Odin jusqu’à Kant, depuis Luther jusqu’à Nietzsche. Il était assez naturel qu’une telle doctrine de guerre répondît chez nous aux divagations allemandes sur la décadence des races latines. Il n’était pas moins naturel que chez les peuples du Nord, chez les Anglo-Saxons, une certaine solidarité spirituelle, septentrionale et germanique, se dessinât, suffisante pour