parnassienne. De celle-ci les antécédents s’étalent chez Gautier, et Sully Prudhomme même en emplit les froides pages du Bonheur. Mallarmé pousse à sa limite extrême et presque théorique cette réaction contre la chose décrite.
Si le développement oratoire devient consciemment et en principe le contraire et l’ennemi de l’art mallarméen, nous en avons aperçu les causes dans la maigreur de l’imagination où il puise. En France, d’ailleurs, les tendances oratoires de la poésie et de la prose ont apparu souvent moins comme un courant magnifique à suivre que comme une matière diffuse à condenser et à discipliner. La prose de La Rochefoucauld, de La Bruyère, de Montesquieu, non seulement n’est pas oratoire, mais elle est anti-oratoire. Avec l’idée de l’éloquence est présente à ses côtés l’idée de la matière dont elle cherche à se passer. On pourrait, semble-t-il, en rapprocher l’attitude de Vigny et de Baudelaire en face du lyrisme oratoire et romantique. Bien plutôt, cependant, chez eux, sécheresse naturelle que forme de muscle pur et dur obtenue par l’entraînement. Et à plus forte raison chez Mallarmé…
Mais alors précisément son esthétique contracte une subtilité merveilleuse. Quand Didon, abordant en Afrique, demanda des terres au roi du pays, celui-ci, par dérision, lui en offrit l’étendue d’une peau de bœuf. La reine découpa la peau en lanières si minces qu’elle en entoura un espace suffisant à construire Carthage. Ainsi fit Mallarmé de son étoffe verbale. Les allusions ne sont plus chez lui prises et portées par le flot oratoire, mais se posent discontinues et schématiques. Elles enveloppent ou suscitent, dans la pensée ou la rêverie, l’espace le plus large (Salut ; le Vierge, le vivace ; Tout orgueil). L’ampleur oratoire, au lieu de rouler dans le poème comme une eau puissante qui nous porte, s’exhale de nous-mêmes comme l’haleine de notre lecture indéfiniment vaporisée. Éloquence et suggestion opposent alors les termes d’une antithèse parfaite. Ainsi Pascal, réfléchissant sur l’art d’agréer, savait bien que con-