Page:Thibaudet - La Poésie de Stéphane Mallarmé.djvu/188

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avantage, égoïste, celui d’excuser les lacunes et les défauts de l’essai ici tenté, de ce point de vue, sur Mallarmé.

Pour la clarté du sujet, j’étudierai successivement l’image nue sous l’aspect de représentation, l’image écrite sous sa forme de métaphore, l’image construite en une figure d’art complexe et complète. Trois chapitres qui doivent d’ailleurs chevaucher l’un sur l’autre, cette artificielle distinction n’ayant pour but qu’un certain ordre didactique et fragile.

Je crois que cette étude s’éclaircira si elle débute par une analyse de ce morceau : le Démon de l’Analogie.

Le poète sort de son appartement « avec la sensation propre d’une aile glissant sur les cordes d’un instrument, à la fois traînante et légère, que remplaça une voix prononçant les mots sur un ton descendant : « La Pénultième est morte » de façon que

La Pénultième

finit le vers et

Est morte

se détacha de la suspension fatidique plus inutilement en le vide de signification. Je fis des pas dans la rue et reconnus en le son nul la corde tendue de l’instrument de musique, qui était oublié et que le glorieux souvenir certainement venait de visiter de son aile ou d’une palme. »

Ce mot de Pénultième avait été rabâché par lui, dans la journée, à des collégiens ou bien avait été médité sur quelque livre « reste mal abjuré d’un labeur de linguistique par lequel quotidiennement sanglote de s’interrompre ma noble faculté poétique ». Il lui revient, sonorité détachée et enveloppée par le vide même de son sens actuel, mot hermétique et lointain qui met en jeu le subconscient de son imagination. Les associations qui s’ensuivent sont d’une logique vivante et en somme pré-