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CHAPITRE V

LE VERS

Poète et cela seulement, ayant ramassé autour du fait poétique toutes ses puissances de penser et toutes ses raisons d’exister, puisant dans la difficulté même de son talent la nostalgie et l’idéalité qui exhaussaient encore un rêve réalisé par crises, Mallarmé vit dans le vers la vérité pure, nue. Il s’en préoccupa en artiste réfléchissant, fervent dans « la gloire ardente du métier », et de ce point de vue il maintint entre le Parnasse et le symbolisme, par son œuvre, sa conversation, son influence, une tradition qui subsiste aujourd’hui chez les bons poètes. Les Parnassiens, dont il fut, étaient revenus à une habitude que du xve siècle à la fin du classicisme conservèrent en général les poètes français, celle de s’intéresser à leur métier et de disputer sur ses secrets. Les Arts Poétiques en prose et en vers abondèrent alors, et la théorie de la poésie forma un terrain commun où se rencontraient les doctrinaires et les praticiens. Au contraire la partie théorique du romantisme est presque nulle. Cela, qui sent son Boileau, est remplacé par des tirades sur l’inspiration, la passion, la liberté. Sainte-Beuve dans son Tableau, plus tard Gautier dans les