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VII. — 6-6. Le grand vers plan, tout calme, que termine, à la rime, par une nécessité harmonieuse, l’évocation de la mer. Deux pieds nus, ces hémistiches, de chair ivoirine et pure, que désignent les deux gemmes jumelles de l’assonance, que reçoit sur un pavé de marbre uni l’ample allitération, et qui portent, comme la princesse, toute la phrase des sept vers.

Cette anatomie de l’alexandrin chez Mallarmé n’est pas complète encore. Il existe en effet dans le vers régulier, classique, dans cette combinaison d’éléments auditifs et visuels qui a commandé notre poésie, une unité supérieure au vers. La loi de la rime fait que cela seul serait vers qui comporterait un distique. Mais la loi de succession des rimes dites féminines et masculines double cette mesure et fait que cela seul est pleinement vers qui comporte un quatrain, deux vers de douze syllabes et deux vers de douze ou treize. De sorte que l’unité élémentaire, le microcosme complet de la versification alexandrine classique est un organisme de quarante-huit à cinquante syllabes. Un poème n’est qu’une société de ces organismes individuels, qu’il faut étudier en même temps que le vers.

La stance de quatre alexandrins tire en partie, je crois, son effet sculptural, plastique, de ce qu’elle présente dans toute sa netteté et tout son jour cette individualité originelle, achevée, harmonieuse de corps vivant, sculptée à la fois par les blancs visuels et par les arrêts prévus de la voix. Dans le sonnet elle se conclut très logiquement par les tercets : leur fonction de mouvement ramené et de voile carguée est, vis-à-vis de la stance, celle même qui appartient au pentamètre dans le distique latin ou à l’octosyllabe dans l’ïambe de Chénier.

Les terze rime qui laissent une place vide pour appeler le membre suivant et entretenir le mouvement, comme un cycle qui ne tient debout qu’en ne s’arrêtant pas, sorte de forme plastique qui défaille et se résoud en nombre oratoire, font bien, par leur contraste, saisir ce rôle achevé, calme, décisif, apollinien, du quatrain.