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V

Hosannah sur le sistre et dans les encensoirs,
Notre dame, hosannah du jardin de nos limbes !
Et finisse l’écho par les célestes soirs,
Extase des regards, scintillements des nimbes !

La strophe, par ses sonorités un peu vides, arrête cette fuite d’âmes, ce dégagement rêveur et mol des lys, des fleurs dans le soir, et met derrière eux le fond d’or byzantin qui hante alors Mallarmé, et qui, plus subtilement évoqué, reparaîtra dans Hérodiade et la Prose.

VI

Ô Mère, qui créas en ton sein juste et fort,
Calices balançant la future fiole,
De grandes fleurs avec la balsamique Mort
Pour le poète las que la vie étiole.

La dernière strophe termine dans le cercle de Baudelaire le poème commencé dans le souvenir de Shelley. Les fleurs ne valent que par la fleur de beau poison qu’elles méditent et distillent,

Et l’opium puissant brise la pharmacie.

— par la mort dont l’image monte de leur jonchée. Et ce sentiment paraît, autant que du poème, sortir de l’acte même qui le construit. Dès le commencement l’inspiration s’est ralentie et dispersée, et de l’Ange aux fleurs que peut-être le poète voulait dresser tout entier comme une Hérodiade vivante, il n’a peint que l’orteil de laurier rougissant. Le chant des fleurs tourne au chant de la mort, les calices vivants à la fiole d’or qu’Hérodiade exaltera, parce que la fatalité de cette poésie est, à peine née, de glisser, par un couloir de musique, dans le silence.

Cette même défaillance que les Fleurs convertissent en un horizon de beauté, on la retrouve plus dénuée au terme des deux grands poèmes de Mallarmé. Hérodiade