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CHAPITRE VIII

LA PONCTUATION

L’écrivain le plus ennemi des clichés, dans sa recherche la plus inquiète du nouveau, ne s’occupe guère de sa ponctuation, et la prend toute faite à l’usage. Mallarmé porta longuement sur la sienne sa réflexion, imposa une théorie de la ponctuation à sa théorie des vers et de la prose, créa cette partie aussi de sa langue.

Vers et prose lui paraissaient ici se comporter très différemment, et c’est au nom de la même logique extrême qu’il supprima finalement dans les vers la ponctuation par lui multipliée dans la prose.

Le vers sans ponctuation de Mallarmé (il ne fit d’ailleurs cet essai que dans de rares sonnets) conclut simplement une théorie du Petit Traité banvillesque. En poésie, selon Banville, la phrase n’existe pas, mais seulement le vers en tant que terminé par la rime. De là la liberté absolue de l’enjambement, l’absurdité de la règle classique qui le condamnait et qui imposait au vers la forme, dont il n’avait que faire, d’une proposition logique. La ponctuation, pense de même et plus loin Mallarmé, appartient à l’ordre logique, non à l’ordre poétique. Elle disparue, rayonnera plus intacte la seule et pure ponctuation propre aux vers : les blancs de