Page:Thibaudet - La Poésie de Stéphane Mallarmé.djvu/405

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Tout son col secouera cette blanche agonie,
Par l’espace infligée à l’oiseau qui le nie,
Mais non l’horreur du sol où son plumage est pris.

Ces trois vers, sous d’autres images, condensent toute la substance de l'Après-Midi : ici vapeur d’eau qui flotte sur un paysage, dans le poème glaçon de cristal dur dans le sonnet.

Dans l’églogue fuyante comme dans le frêle sonnet, Mallarmé porte son goût d’art sobre, intense. Le souci est le même de réunir le moins de matière au plus de suggestion musicale. Il s’émerveille quelque part que, dans la forêt de Fontainebleau, bien que, de Paris « sur les remparts tonne, peu loin, le canon de l’actualité », le bruit puisse cesser à une si faible distance pour le poète qui « coupe en imagination une flûte où nouer sa joie selon divers motifs, celui, surtout, de se percevoir, simple, infiniment, sur la terre [1] ».

Lys ! et l’un de vous tous par l’ingénuité.

Une flûte où nouer sa joie, sa déchéance, sa tristesse ; un entrelacement de motifs au long d’une tige dont fuse la flexible gracilité... Une telle forme poétique n’est pas sans analogue antérieurement. Certes elle s’oppose au grand symbole oratoire, à l’ample crescendo du Satyre. l'Après-Midi ne s’était jamais occupé de musique et Mais la Maison du Berger n’en livre-t-elle pas l’une des origines ? Comme se nouent dans l'Après-Midi les divers thèmes intérieurs, celui de la passion, celui de la pensée, celui de la poésie, tous trois chus d’une lumière dans l’ombre, tous trois clos dans une caverne platonicienne où les fantômes consolateurs deviennent la seule réalité, la Maison du Berger ramène à une vibration poétique commune et continue, de sorte que chacun des trois serve de symbole et de preuve aux autres, les thèmes de la maison roulante opposée au chemin de fer, de la poé-

  1. Divagations, p. 335.