Page:Thibaudet - La Poésie de Stéphane Mallarmé.djvu/61

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Mon œil trouant les joncs dardait chaque encolure
Immortelle, qui noie en l’ombre, sa brûlure
Avec un cri de rage au ciel de la forêt ;
Et le splendide bain de cheveux disparaît
Dans les clartés et les frissons, ô pierreries !

Il a mis les caresses les plus douces de son langage à évoquer ailleurs le « trésor présomptueux de tête » et « la considérable touffe ».

Et tous ces vers indiquent que dans la chevelure il goûte ce qui fait sortir la femme de sa chair pour la fondre à une ressemblance minérale et métallique. Ainsi la chevelure n’est-elle pas le point de départ de l’Ève Future créée par Villiers, la première pièce interchangeable de l’Andreide ?

Blonde dont les coiffeurs divins sont les orfèvres,

dit-il dans le sonnet galant du Placet Futile. C’est là ce qui fait ruisseler comme la crinière même qu’ils expriment les vers d’Hérodiade.

Je veux que mes cheveux qui ne sont pas des fleurs
À répandre l’oubli des humaines douleurs,
Mais de l’or, à jamais vierge des aromates,
Dans les éclairs cruels et dans leurs pâleurs mates
Observent la froideur stérile du métal,
Vous ayant reflétés, joyaux du mur natal,
Armes, vases, depuis ma solitaire enfance.

J’ai noté l’Hadaly de Villiers. Sur la ligne baudelairienne où nous la rencontrons, il faut mentionner un livre dont les affinités avec Mallarmé furent sinon plus directes, du moins plus connues et plus discutées. Dans une causerie sur les Précieux de 1885, au sujet de À Rebours, M. Vielé Griffin dit que « le livre de Huysmans eut un succès prodigieux auprès des jeunes d’alors ; il leur semblait désormais possible de rompre les digues de la banalité qui enserrent toujours plus ou moins