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Page:Thibaudet - Les Idées politiques de la France, 1932.djvu/200

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qu’à Moscou. Comme l’a montre de Man, le syndicalisme a substitué peu à peu au marxisme idéologique un réalisme ouvrier, soit la vie et la psychologie du travailleur, senties de l’intérieur, professionnellement. De Man lui-même donne une admirable formule syndicaliste quand il écrit : « La tâche de toute éducation socialiste m’apparaît comme la transformation d’idéaux socialistes en mobiles socialistes », ou, selon la formule du représentant du Jeune Socialisme allemand, d’un but paradisiaque en un but héroïque. L’opposition des classes subsiste. Mais il s’agit d’un conflit moral entre deux genres de vie plutôt que d’une lutte sociale entre deux classes ennemies : conflit moral du salarié gouverné par la loi du travail et du capitaliste gouverné par la loi du profit. Entre l’ouvrier asservi qu’a connu Marx et l’ouvrier, syndiqué ou non, d’aujourd’hui, la différence de statut est trop grande pour ne pas impliquer une forme différente de l’idée socialiste. Le syndicalisme a contribué à l’éducation de l’ouvrier bien plus que ne l’ont fait les intellectuels bourgeois qui le