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Page:Thibaudet - Les Idées politiques de la France, 1932.djvu/204

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cours socialiste opposé au discours bourgeois.

Jaurès n’a pas seulement occupé le cœur du parti socialiste, il a compris le cœur du public socialiste. Il a donné à l’extrême gauche, par sa personne, un mythe vivant. Il a été, sous le triple point de vue de l’instituteur (celui qui institue), de l’orateur et du parlementaire, le successeur de Lamartine et de Gambetta. Avec ceci en plus qu’il est mort pour la Cause, qu’il a été assassiné ou plutôt qu’Ils l’ont assassiné. Henri IV relaie ici Lamartine. Jaurès a légué aux peuples un mythe qui peut entrer aussi dans les allégories d’une Énéide ou plutôt d’une Henriade : la guerre, pour ouvrir ses charniers, doit tuer d’abord le tribun socialiste.

Or, tout se passe comme si ce mythe (j’entends par là une vérité poétique et plastique) mettait aujourd’hui son signe indicateur au plus haut ou au centre de l’idéologie socialiste. Autrefois, à la question : « Qu’est-ce que le socialisme ? » on pouvait répondre : « Le bonheur humain pour principe, la conquête des pouvoirs publics pour moyen, la socialisation des moyens de pro-