DIRECTOIRE (1798). 23
conquérante, en révolte contre son souverain enfin
une ancienne classe abrutie au service et aux
gages du plus fort.
Deux beys supérieurs aux autres dominaient en
ce moment l’Égypte. L’un, Ibrahim-Bey, riche, astucieux,
puissant; l’autre, Mourad-Bey, intrépide,
vaillant et plein d’ardeur. Ils étaient convenus d’une
espèce de partage d’autorité, par lequel IbrahimBey
avait les attributions civiles, et Mourad-Bey
les attributions militaires. Celui-ci était chargé des
combats; il y excellait, et il avait l’affection des
Mameluks, tous dévoués à sa personne.
Bonaparte, qui au génie de capitaine savait unir
le tact et l’adresse du fondateur, et qui avait d’ailleurs
administré assez de pays conquis pour s’en
être fait un art particulier, jugea sur-le-champ la
politique qu’il avait à suivre en Égypte. Il fallait
d’abord arracher cette contrée à ses véritables
maîtres, c’est-à-dire aux Mameluks. C’était cette
classe qu’il fallait combattre et détruire par les
armes et la politique. D’ailleurs on avait des raisons
à faire valoir contre eux, car ils n’avaient
cessé de maltraiter les Français. Quant à la Porte,
il fallait paraître ne pas attaquer sa souveraineté,
et affecter au contraire de la respecter. Telle qu’elle
était devenue, cette souveraineté était peu importante.
On pouvait traiter avec la Porte, soit pour
la cession de l’Égypte, en lui faisant certains avant