30 RÉVOLUTION FRANÇAISE
et opiniâtres campagnes d’Italie. Ils avaient suivi
leur général dans une contrée lointaine, parce
que leur foi en lui était aveugle, parce qu’on leur
avait annoncé une terre promise, de laquelle ils
reviendraient assez riches pour acheter chacun un
champ de six arpents. Mais quand ils virent ce désert,
le mécontentement s’en mêla, et alla même
jusqu’au désespoir. Ils trouvaient tous les puits,
qui de distance en distance jalonnent la route du
désert, détruits par les Arabes. A peine y restait il
quelques gouttes d’une eau saumâtre et très
insuffisante pour étancher leur soif. On leur avait
annoncé qu’ils trouveraient à Damanhour des soulagements
ils n’y rencontrèrent que de misérables
huttes, et ne purent s’y procurer ni pain ni vin,
mais seulement des lentilles en assez grande abondance
et un peu d’eau. Il fallut s’enfoncer de nouveau
dans le désert. Bonaparte vit les braves
Lannes et Murat eux-mêmes saisir leurs chapeaux,
les jeter sur le sable, les fouler aux pieds. Cependant
il imposait à tous; sa présence commandait
le silence, et faisait quelquefois renaître la gaieté.
Les soldats ne voulaient pas lui imputer leurs
maux; ils s’en prenaient à ceux qui trouvaient un
grand plaisir à observer le pays. Voyant les savants
s’arrêter pour examiner les moindres ruines,
ils disaient que c’était pour eux qu’on était venu,
et s’en vengeaient par de bons mots à leur façon.