Page:Thiers - Histoire du Consulat et de l’Empire, tome 12.djvu/11

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

férente, comme l’homme fictif qui s’appelle Achille, Énée, Roland, ou Renaud !

L’observation assidue des hommes et des événements, ou, comme disent les peintres, l’observation de la nature, ne suffit pas, il faut un certain don pour bien écrire l’histoire. Quel est-il ? Est-ce l’esprit, l’imagination, la critique, l’art de composer, le talent de peindre ? Je répondrai qu’il serait bien désirable d’avoir de tous ces dons à la fois, et que toute histoire où se montre une seule de ces qualités rares est une œuvre appréciable, et hautement appréciée des générations futures. Je dirai qu’il y a non pas une, mais vingt manières d’écrire l’histoire, qu’on peut l’écrire comme Thucydide, Xénophon, Polybe, Tite-Live, Salluste, César, Tacite, Commines, Guichardin, Machiavel, Saint-Simon, Frédéric le Grand, Napoléon, et qu’elle est ainsi supérieurement écrite, quoique très-diversement. Je ne demanderais au ciel que d’avoir fait comme le moins éminent de ces historiens, pour être assuré d’avoir bien fait, et de laisser après moi un souvenir de mon éphémère existence. Chacun d’eux a sa qualité particulière et saillante : tel narre avec une abondance qui entraîne, tel autre narre sans suite, va par saillies et par bonds, mais, en passant, trace en quelques traits des figures qui ne s’effacent jamais de la mémoire des hommes ; tel autre enfin, moins abondant