Page:Thiers Adolphe - Histoire de la Révolution française t1 (1839).pdf/13

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
v
DE M. THIERS.

s’affadir, Collin d’Harleville, Picard, Andrieux, se promettaient de rendre à la comédie un langage plus simple, plus vrai, plus décent. Ils y réussirent, chacun suivant son goût particulier.

Collin d’Harleville, élevé aux champs dans une bonne et douce famille, reproduisit dans l’Optimiste et les Châteaux en Espagne ces caractères aimables, faciles, gracieux, qu’il avait pris, autour de lui, l’habitude de voir et d’aimer. Picard, frappé du spectacle étrange de notre révolution, transporta sur la scène le bouleversement bizarre des esprits, des mœurs, des conditions. M. Andrieux, vivant au milieu de la jeunesse des écoles, quand il écrivait la célèbre comédie des Étourdis, lui emprunta ce tableau de jeunes gens échappés récemment à la surveillance de leurs familles, et jouissant de leur liberté avec l’entraînement du premier âge. Aujourd’hui ce tableau, sans doute, a un peu vieilli ; car les étourdis de M. Andrieux ne ressemblent pas aux nôtres : quoiqu’ils aient vingt ans, ils n’oseraient pas prononcer sur la meilleure forme de gouvernement à donner à leur pays ; ils sont vifs, spirituels, dissipés, et livrés à ces désordres qu’un père blâme et peut encore pardonner. Ce tableau tracé par M. Andrieux attache et amuse. Sa poésie, pure, facile, piquante, rappelle les poésies légères de Voltaire. La comédie des Étourdis est incontestablement la meilleure production dramatique de M. Andrieux, parce qu’il l’a composée en présence même du modèle. C’est toujours ainsi qu’un auteur rencontre son chef-d’œuvre. C’est ainsi que Lesage a créé Tuscard, Piron la Métromanie, Picard les Marionnettes. Ils repré-