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DISCOURS

sentaient ce qu’ils avaient vu de leurs yeux. Ce qu’on a vu on le peint mieux, cela donne de la vérité ; on le peint plus volontiers, cela donne la verve du style. M. Andrieux n’a pas autrement composé les Étourdis.

Il obtint sur-le-champ une réputation littéraire distinguée. Écrire avec esprit, pureté, élégance, n’était pas ordinaire, même alors. M. Collin d’Harleville avait quitté le barreau, mais M. Andrieux, qui avait une famille à soutenir, et qui se montra toujours scrupuleux observateur de ses devoirs, n’avait pu suivre cet exemple. Il s’était résigné au barreau, lorsque la révolution le priva de son état, puis l’obligea de chercher un asile à Maintenon, dans la douce retraite où Collin d’Harleville était né, où il était revenu, où il vivait adoré des habitans du voisinage, et recueillait le prix des vertus de sa famille et des siennes, en goûtant au milieu d’une terreur générale une sécurité profonde.

M. Andrieux, réuni à son ami, trouva dans les lettres ces douceurs tant vantées il y a deux mille ans par Cicéron proscrit, toujours les mêmes dans tous les siècles, et que la Providence tient constamment en réserve pour les esprits élevés que la fortune agite et poursuit. Revenu à Paris quand tous les hommes paisibles y revenaient, M. Andrieux y trouva un emploi utile, devint membre de l’Institut, bientôt juge au tribunal de cassation, puis député aux cinq-cents, et enfin membre de ce corps singulier que, dans la longue histoire de nos constitutions, on a nommé le tribunat. Dans ces situations diverses, M. Andrieux, sévère pour lui-même, ne sacrifia jamais ses devoirs à ses goûts personnels. Jurisconsulte savant