Page:Thiers Adolphe - Histoire de la Révolution française t1 (1839).pdf/307

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loi d'émigration est votée, je jure de vous désobéir. »

Il descend de la tribune après avoir étonné l'assemblée et imposé à ses ennemis. Cependant la discussion se prolonge encore ; les uns veulent l'ajournement, pour avoir le temps de faire une loi meilleur ; les autres exigent qu'il soit déclaré de suite qu'on ne fera pas, afin de calmer le peuple et de terminer ses agitations. On murmure, on crie, on applaudit. Mirabeau demande encore la parole, et semble l'exiger. « Quel est, s'écrit M. Goupil, le titre de la dictature qu'exerce ici M. de Mirabeau ? » Mirabeau, sans l'écouter, s'élance à la tribune. « Je n'ai pas accordé la parole, dit le président ; que l'assemblée décide. » Mais, sans rien décider, l'assemblée écoute. « Je prie les interrupteurs, dit Mirabeau, de se souvenir que j'ai toute ma vie combattue la tyrannie, et que je la combattrai partout où elle sera assise ; » et en prononçant ces mots, il promène ses regards de droite à gauche. Des applaudissemens nombreux accompagnent sa voix ; il reprend : « Je prie M. Goupil de se souvenir qu'il s'est mépris jadis sur un Catilina dont il repousse aujourd'hui la dictature[1] ; je prie l'assemblée de remarquer que la question de l'ajournement, simple en apparence, en renferme d'autres, et, par exemple, qu'elle suppose qu'une loi est à

  1. M. Goupil, poursuivant autrefois Mirabeau, s'était écrié avec le côté droit : « Catilina est à nos portes ! »