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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

longues guerres, et fatiguée de fournir aux prodigalités de ses maîtres, livrés tour à tour au goût des voluptés ou des armes. Jusque-là elle n’avait eu du génie que pour le service et les plaisirs du monarque ; elle en eut alors pour son propre usage, et s’en servit à examiner ses intérêts. L’esprit humain passe incessamment d’un objet à l’autre. Du théâtre, de la chaire religieuse et funèbre, le génie français se porta vers les sciences morales et politiques ; et alors tout fut changé. Qu’on se figure, pendant un siècle entier, les usurpateurs de tous les droits nationaux se disputant une autorité usée ; les parlemens poursuivant le clergé, le clergé poursuivant les parlemens ; ceux-ci contestant l’autorité de la cour ; la cour, insouciante et tranquille au sein de cette lutte, dévorant la substance des peuples au milieu des plus grands désordres ; la nation, enrichie et éveillée, assistant à ces divisions, s’armant des aveux des uns contre les autres, privée de toute action politique, dogmatisant avec audace et ignorance, parce qu’elle était réduite à des théories ; aspirant surtout à recouvrer son rang en Europe, et offrant en vain son or et son sang pour reprendre une place que la faiblesse de ses maîtres lui avait fait perdre : tel fut le dix-huitième siècle.

Le scandale avait été poussé à son comble lorsque Louis XVI, prince équitable, modéré dans ses