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Page:Thiers Adolphe - Histoire de la Révolution française t1 (1839).pdf/418

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n'en était pas de même à l'égard des nobles qui s'étaient jetés dans le parti de la révolution, eux qui obtenaient toutes les faveurs, et souvent au détriment des gens d'un ordre inférieur, parmi lesquels se trouvaient les plus grands talens ; enfin que les nobles, nés pour être le rempart de la monarchie, étaient trop coupables d'avoir trahi sa cause pour en mériter leur pardon. La reine m'étonnait de plus en plus par la chaleur avec laquelle elle justifiait l'opinion favorable qu'elle avait conçue de Barnave. Alors elle me dit que sa conduite en route avait été parfaite, tandis que la rudesse républicaine de Pétion avait été outrageante ; qu'il mangeait, buvait dans la berline du roi avec malpropreté, jetant les os de volaille par la portière, au risque le les envoyer jusque sur le visage du roi ; haussant son verre, sans dire un mot, quand madame Elisabeth lui versait du vin, pour indiquer qu'il en avait assez ; que ce ton offensant était calculé, puisque cet homme avait reçu de l'éducation ; que Barnave en avait été révolté. Pressé par la reine de prendre quelque chose : «Madame, répondit Barnave, les députés de l'assemblée nationale, dans une circonstance aussi solennelle, ne doivent occuper Vos Majestés que de leur mission, et nullement de leurs besoins. » Enfin ses respectueux égards ,ses attentions délicates et toutes ses paroles avaient gagné non-seulement sa bienveillance, mais celle de madame Elisabeth.

« Le roi avait commencé à parler à Pétion sur la situation de la France et sur les motifs de sa conduite, qui étaient fondés sur la nécessité de donner au pouvoir exécutif une force nécessaire à son action pour le bien même de l'acte constitutionnel, puisque la France ne pouvait être république… «Pas encore, à la vérité, lui répondit Pétion, parce que les Français ne sont pas assez mûrs pour cela. » Cette audacieuse et cruelle réponse imposa