Page:Thoinan - Les Relieurs français, 1893.djvu/15

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De même que les libraires, les écrivains et les parcheminiers, les relieurs devaient, pour exercer, obtenir une autorisation quelconque de l’Université, ainsi qu’il ressort d’un brevet du 3 septembre 1388, le seul connu jusqu’à ce jour malheureusement, tandis qu’on en possède un certain nombre accordés à des libraires. Ce brevet déclare que Simon Millon, demeurant à Paris, a été et est vrai Libraire et Relieur de livres juré et du nombre des Jurés de l’Université.

Si l’Université avait des exigences à l’égard de ses subordonnés, leur imposait une ligne de conduite à suivre et des mesures d’ordre à observer en vue du bien de la science, des mœurs et de la religion, elle avait aussi, avons-nous dit, grand souci de leurs intérêts et ne négligeait rien pour leur assurer certains bénéfices. En 1368, c’était, nous venons de le voir, l’exemption du guet qu’elle obtenait pour eux ; plus tard, en 1383, ce sera l’affranchissement « des impôts et des aydes sur les denrées qu’ils recueilleront par héritage ou qu’ils achèteront pour leur usage. » En 1396, elle les fera encore exempter de la taille imposée à cause du mariage d’Ysabelle, fille de Charles VI, avec le roi d’Angleterre[1].

Les artisans du livre formaient donc un corps entièrement placé sous la tutelle universitaire. Ils ne se constituèrent pas à l’origine, comme les autres métiers, en corporation soumise à ses propres statuts, se gouvernant d’après des règlements proposés et débattus par les membres eux-mêmes, puis acceptés par le prévôt de Paris : l’Université restait souveraine à l’égard de ses serviteurs. Cependant, sans chercher à s’asservir d’une direction très légitime du reste et qui, comme on l’a vu, se trouva toujours compensée par la jouissance de certaines prérogatives, les libraires, écrivains, enlumineurs et relieurs résolurent de se grouper, en dehors de leur tutrice ordinaire, en un corps particulier, placé sous la protection de la religion ; ceux-là seuls qui coopéraient à la fabrication du livre auraient le droit d’en faire

  1. Lettres de Charles VI, données à Vincennes le 3 janvier 1383 et à Paris le 9 juin 1396.