Page:Thoinan - Les Relieurs français, 1893.djvu/153

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confrères. De tout temps n’y eut-il pas beaucoup de relieurs parmi les plus habiles qui ne portèrent jamais ce titre ? À l’époque où vivaient les Eve ne comptait-on pas à Paris d’autres praticiens en renom, ceux, par exemple, qui, à en juger par les fonctions honorifiques qu’ils remplirent dans la communauté, jouissaient d’une notoriété évidente ? C’étaient les Clopejau, Nicolas Desfossés, Jean de Bordeaux, François Dumay, Michel Gadoulleau, François Gueffier, Guydo GiiTart, Jérôme Decourbes, Jean De HeuquevillE, les Le Bouc, etc.

Il faut encore remarquer que si les libraires, exerçant aussi la profession de relieurs, plaçaient leurs noms sur les titres des ouvrages qu’ils publiaient, il n’en résulte pas forcément pour cela que tous les exemplaires de ces ouvrages étaient reliés chez eux. Les Eve se trouvaient dans ce cas et bien des livres portant leurs noms d’éditeurs purent être achetés en blanc, comme on disait, et habillés dans d’autres ateliers de reliure que les leurs. Nicolas Eve, c’est certain, relia des livres pour Henri III, mais il n’est pas moins sûr que d’autres relieurs travaillèrent aussi pour ce souverain. La seule reliure royale, bien constatée par une pièce comptable du temps comme étant de Nicolas Eve, est le Livre des Statuts du Saint-Esprit que la Bibliothèque nationale possède et qui fait partie d’une commande de quarante-deux exemplaires du même ouvrage exécutée pour la Cour. Cette reliure en maroquin se compose de semis de flammes et de fleurs de lys, avec les emblèmes du Saint-Esprit et les initiales du roi et de la reine. Rien n’y rappelle nos entrelacs.

D’ailleurs, le plus grand nombre et les plus beaux spécimens des reliures à feuillages ne venant pas de chez le roi, il n’y a réellement pas de raisons plausibles pour les attribuer à ses relieurs en titre, à Nicolas Eve particulièrement qui n’en exécuta peut-être pas une seule. Admirons donc ces belles compositions sans vouloir désigner leurs auteurs, puisqu’ils nous sont absolument inconnus, et contentons-nous de les appeler simplement des reliures à entrelacs avec feuillages et spirales fleuries.