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Page:Thomas - Gustave ou Un héros Canadien, 1901.djvu/193

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gustave

rude tâche de gravir cette montagne. On ne pouvait monter que dix wagons à la fois ; à chaque voiture on avait attelé de cinquante à soixante paires de bœufs, et ce n’était qu’à force de jurons et de grands coups de fouet que l’on parvenait à faire avancer ces animaux, qui pouvaient à peine se tirer du sable dans lequel ils enfonçaient jusqu’au ventre.

Aussitôt qu’un wagon était rendu au sommet, on détachait les bœufs, n’en laissant qu’une paire pour le descendre de l’autre côté, et on revenait chercher les autres tour à tour.

Les femmes et les enfants durent prendre le devant pour se rendre de l’autre côté de la montagne, afin de préparer le dîner pour les hommes. À chaque instant, pendant la montée, elles étaient obligées de s’arrêter pour prendre haleine, ou retrouver leurs chaussures enfoncées dans le sable.

Une foule de petits reptiles, longs de quatre à cinq pouces, et ressemblant à des crocodiles en miniature, sortaient à tout instant de ce sable, et s’enfuyaient avec la rapidité de l’éclair. Toute la journée fut employée à gravir cette montagne, et le soir, notre caravane campa à deux milles du lieu d’où elle était partie le matin.

Après la prière d’usage, l’apôtre capitaine donna avis que l’on venait d’entrer dans le pays des buffles.

— Il va falloir, dit-il, prendre beaucoup de précautions à l’avenir, surtout pour nos animaux ; soyons constamment sur nos gardes, car il arrive assez souvent que chevaux et bœufs sont subitement saisis d’une grande panique ; alors, ils partent tous ensemble et en faisant entendre des hurlements sinistres ; ils se sauvent dans toutes les directions sans s’occuper des obstacles à franchir. Il est extrêmement dangereux de se trouver dans les voitures ou sur leur passage.

Gustave, plein de tristesse et de sombres pensées pendant plusieurs jours, ne s’était presque pas montré à ses amis, quoique ces derniers fissent tout en leur