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pouvoir pour l’attirer vers eux et l’égayer. Ce soir-là, plus triste encore qu’à l’ordinaire, il prend le parti de s’adresser à son père et lui dit en pleurant :

— Que font maman et Alice ce soir ? elles sont malades peut-être, et qui sait si la peine ne les fait pas mourir ?

— Ne me parle pas de ta mère, dit M. Dumont d’un ton vexé, elle pouvait me suivre ; c’était même son devoir, mais elle ne l’a pas voulu. J’en suis peiné ; cependant Jésus-Christ a dit qu’il fallait tout quitter pour le suivre ; c’est ce que j’ai fait.

— Vous me dites que c’est pour suivre Jésus-Christ que vous avez tout quitté, n’est-ce pas plutôt pour ?…

— Je ne veux point de tes remarques, dit M. Dumont en l’interrompant ; je te le répète, ta mère devait me suivre. D’ailleurs je suis libre, j’ai obtenu un acte de divorce avant de partir de Saint-Joseph ; en vertu de cet acte, je te garde, et ta sœur reste avec sa mère. Ainsi, ne m’en parle plus.

— Comment ! s’écrie Gustave, vous me dites que vous avez obtenu un acte de divorce ? Il est donc bien facile de briser les liens sacrés du mariage dans ce pays ! Ce qui m’étonne le plus, c’est de vous entendre parler de divorce comme d’une affaire de commerce ou d’une transaction quelconque. Quoi ! on sépare un époux de son épouse et on distribue les enfants comme si l’on avait affaire à de vils animaux ! Qu’y a-t-il de plus grave, de plus navrant et de plus pénible que cela ?

— Tous les gouvernements, monarchiques et républicains, accordent le divorce, dit M. Dumont avec embarras.

— Je le sais ; cependant, cher père, en regardant le côté de la morale seulement, les liens de la famille ne doivent-ils pas rester inviolables et sacrés ? autrement que deviendra-t-elle si on peut ainsi la dissoudre ? que deviendront les mères et les enfants si on peut ainsi les jeter sur le pavé ? Y aura-t-il possi-