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gustave

ques heures peut-être, et il me faudra vivre avec un père, bien cher à mon cœur, il est vrai, mais qui a eu le malheur de renier la religion de ses ancêtres, religion dans laquelle moi, son fils, j’ai juré de vivre et de mourir. Que l’avenir me paraît sombre. Ô Marie, ma bonne mère, maintenant, plus que jamais, j’ai besoin de votre maternelle protection, venez à mon secours et ne m’abandonnez pas.

La tête du jeune homme était penchée sur sa poitrine, et les sanglots qui oppressaient son cœur disaient assez combien grande était sa douleur, combien étaient pénibles les pensées qui dominaient son esprit.

Sa profonde préoccupation l’empêcha de voir un vénérable vieillard qui se dirigeait vers lui ; lui aussi paraissait triste et abattu : une douloureuse nouvelle avait évidemment brisé deux cœurs à la fois.

Arrivé près de Gustave, le vieillard le regarda quelques instants en silence, puis, lui mettant la main sur l’épaule, il lui dit :

— Console-toi, cher enfant, Dieu le veut et il faut se soumettre à sa volonté sainte. La séparation est cruelle pour nous, il est vrai, mais elle ne durera pas toujours.

À la vue du vieillard, Gustave se jette dans ses bras.

— Grand papa, lui dit-il d’une voix entrecoupée de sanglots, il faut donc que je vous quitte !

— Hélas ! cher enfant, répond le vieillard ému, oui, ta mère vient d’arriver et t’attend. Il est pénible de se séparer quand on s’est fait une si douce habitude de vivre ensemble, mais, qui sait ? Dieu, dont les décrets sont impénétrables, veut peut-être, dans sa miséricorde infinie, se servir de toi pour ramener à lui ton malheureux père : cette pensée doit nous consoler et te soutiendra. Viens, essuie tes larmes, n’augmente pas ma douleur et celle de ta grand’mère par la vue de ta peine.