Page:Thomas - Le roman de Tristan, par Bédier, Tome II, 1905.djvu/103

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BRERI ET WACE ET DES SOURCES DE THOMAS 97 illustre ; tout ce que nous savons du Bledhericns de Giraut de Barri, c’est que Giraut (ainsi qu’il résulte du contexte) se le représentait comme un illustre diseur de devinettes ou un conteur de bourdes. On n’est donc pas plus fondé à identifier le Breri de, Thomas avec le Bledhericus de Giraut de Barri qu’avec l’un quelconque des personnages qui ont pu porter ce nom, le Bledri, par exemple, qui gouverna l’évêché de Llandâv de 973 à 1002.

Cette identification écartée, on doit retenir pourtant que Bledhericus-Breri est un nom gallois, et qui n’a été jusqu’à présent relevé que dans l’onomastique galloise. C’est donc probablement une autorité galloise que Thomas invoque. Mais résulte-t-il de ses vers qu’il ait connu un roman de Tristan composé par le Gallois Breri ? Non certes, et G. Paris a excellemment limité en ces termes le sens et la portée de ce passage : II semble que Thomas s’adresse à des gens qui appréciaient Breri et pour qui son nom devait être une bonne garantie de l’authenticité d’un récit sur les anciennes traditions bretonnes. Il est clair que Thomas composait son poème pour un public qui connaissait déjà sous des formes variées les aventures de Tristan ; il polémise ici et ailleurs contre les versions courantes, et il essaie de donner, au milieu de variantes incohérentes et contradictoires, un récit logique ; (c’est ce qu’il appelle en unVdire, si je comprends bien). Ces variantes étaient pour la plupart des narrations purement orales. Thomas signale ceux « qui soient cunter et dei cunte Tristan parler» ; ils en content diversement ; il l’a entendu de plusieurs gens, il sait ce que chacun en âit} et il n’ajoute qu’accessoirement et ce qu’on en a écrit. Il ne suit donc nullement de ces vers, comme l’a cru Gottfried de Strasbourg, que Thomas traduisît un livre composé par Breri ; il en résulte simplement que Breri était un homme qui passait pour avoir su mieux que personne l’histoire traditionnelle de Bretagne, et que Thomas prétendait lui devoir son récit, le seul authentique, sur Tristan. Je dis passait pour avoir su, T. II. 7