Page:Thomas Felix - La philosophie de Gassendi, 1889.djvu/18

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Descartes, Bossuet, Malebranche, voire Condillac, sont dans toutes les mains, interprétés et commentés par nos maîtres, Gassendi, exclu des écoles, ne compte parmi ceux qui le connaissent qu’un petit nombre de défenseurs et beaucoup d’ennemis. Or, dans ce demi-ostracisme, il y a plus que de l’injustice, il y a de l’ingratitude. Il y a de l’injustice, car nul penseur n’a recherché la vérité avec autant d’ardeur et de désintéressement que Gassendi ; — de l’ingratitude, car les services qu’il a rendus, aussi bien aux historiens de la philosophie qu’aux philosophes dogmatiques de son temps et du nôtre, sont beaucoup plus considérables qu’on ne le pense d’ordinaire el surtout qu’on ne l’avoue. L’histoire sommaire de ses travaux philosophiques et l’exposition de sa doctrine en seront la meilleure preuve.

I. — Le premier écrit de Gassendi fut une éloquente protestation en faveur de la liberté <le pensée et une déclaration de guerre ouverte à la philosophie « officielle u de son époque. Persuadé que la méthode chère aux péripatéticiens, non moins que leur doctrine, plat pastiche des théories d’Aristote, étaient un obstacle sérieux au progrès, il les attaque avec une fougue pres. que juvénile et une verve toute méridionale. Il apporte d’autant plus de feu et de passion dans la lutte que les péripatéticiens sont de leur côté plus passionnés et plus exclusifs. Plusieurs, avant lui, ont déjà, il le sait, combattu le même combat, mais leur victoire est encore indécise. Les adversaires de l’aristotélisme sont suspects ; la Sorbonne et les académies les condamnent, la religion le, , tient à l’écart. Gassendi veut triompher de ces dernières résistances, rompre définitivement les liens qui enchaînent les esprits et les empêchent de penser par eux-mêmes.

Dans une préface[1], pleine de franchise et de bonne humeur,

    P. Gassendi, rééditée par M. Tamizey de Larroque, Bordeaux, l.882 ; —Bugerel, Vie de Gassendi, i131 et l.170 ; — Tamizey de Larroque, différents mémoires dans lesquels sont recueillis avec un soin pieux tons les documents qui intéressent la gloire du philosophe provençal ; —Firmin Gnichard, Paul Terris, etc. — Si gnalons encore une étude consciencieuse de Saverien, Histoire des philosophes modemes, Paris, 1163, l. Ill, p. : 101 et suiv.

  1. Prœfatio in Exercitationes, œuvres de Gassendi, Lyon, t658, t. lll, p. 98. Toutes nos citations étant extraites de cette édition, nons nous bornerons, dans nos notes, à indiquer le tome et la page où elles se trouvent.