Page:Thomas Felix - La philosophie de Gassendi, 1889.djvu/19

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il nous apprend comment il fut conduit à une telle entreprise, cependant grosse de périls. Bien qu’élevé dans la philosophie de l’tcole, rompu à la dialectique scolastique et tout imprégné par ses maîtres des doctrines d’Aristote, il en aperçut, nous dit-il, de très bonne heure les lacunes et les défauts. Plus tard, lorsqu’il commence à réfléchir davantage par lui-même, ses doutes sur l’infaillibilité d’Aristote ne font que grandir, mais il craint encore de s’y abandonner et de se séparer ainsi de l’opinion généralement adinise par les plus illustres savants. C’est alors qu’il lit les œuvres de Vivès[1], celles de Charron qui le séduisent, celles de Ramus, de la Mirandole. Il constate avec joie qu’il n’est point seul à suspecter la philosophie régnante, et aussitôt tombent ses dernières hésitations.

Il était dans cet état d’esprit lorsqu’à la suite d’un brillant eoocours[2], il fut chargé d’enseigner à Aix la philosophie et naturellement la philosophie d’Aristote. La tâche était, pour lui, délicate ; cependant il sut, tout en remplissant son mandat, rester fidèle à sa conscience et à ses convictions[3]. Dons ce but, il divisa son cours en deux parties distinctes : l’une qui était exclusivement consacrée à l’exposition des doctrines du maître ; l’autre il des remarques critiques, données à propos, et qui permettaient aux élèves d’en apprécier exactement la valeur.

C’est de ce cours, professé pendant six années, que sont sorties ses Exe1·citationes adversus.41•istoteleos. On conçoit aisément cc qu’elles durent lui cofiter d’efforts et de courage. Pour pouvoir les écrire il fallait, en effet, s’être dépouillé de tous les anciens préjugés contractés à l’école de ses maitres ; avoir secoué le joug humiliant d’une autorité universellement admise ; ètre prêt à braver et le mépris et les sifflets de tous les savants du jour ; il fallait en outre, étant connue la puissance jalouse

  1. Vivès (H92-t540) fut l’un des plus violents adversaires de la philosophie d’Aristote.
  2. Gassendi avait alors vingt-quatre ans.
  3. M. Ch. Barneaud, qui a eu entre les mains les leçons de philosophie professées à Aix par Gassendi et transcrites en l.619 par un de ses fidèles disciples, semble ne leur accorder qu’une mince importance. « Il est impossible, nous dit-il, de reconn.altre dans ces pages que dictait le jeune professeur, le futur apologiste d’Epicure et le réformateur de la philosophie d’Aristote. » D’où nous sommes autorisés à conclure que les appendices à ses leçons valaient mieux que ses leçons elles-mêmes.