Page:Thomassy - Essai sur les ecrits politiques de Christine de Pisan.djvu/146

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

subjiez et de son pueple. Hélas ! doncques qui seroit si dure mère qui peust souffrir, se elle n’avoit le cuer de pierre, veoir ses enfans entre-occire, et espendre le sang l’un à l’autre, et leurs povres membres destruire et disperser ; et puist, qu’il venist par de costé estranges annemis, qui du tout les persécutassent et saisissent leurs héritaiges !

Et ainsi, très haute Dame, povez eslre certaine convendroit qu’avenist enfin de ceste persécution, se la chose aloit plus avant, que Dieux ne vueille ! Car n’est mie double que les ennemis du royame, resjouiz de ceste aventure, vendroient par de costé à grant armée pour tout parhonnir. Ha, Dieu ! quel douleur à si noble royaume perdre et périr tel chevalerie ! hélas ! et qu’il convenist que le povre pueple comparast le péchié dont il est innocent ! Et que les povres petits alaittans et enfans criassent après les lasses mères veufves et adolues, mourans de faim ; et elles, desnuées de leurs biens, n’eussent de quoy les appaisier : lesquelles voix, comme racontent en plusieurs lieux les Escriptures, percent les cieulz par pitié devant Dieu juste et attrayent vengence sur ceulx qui en sont cause.

Et encores avec ce, quel honte à ce royaume qu’il convenist que les pouvres, désers de leurs biens, alassent mendier par famine en estranges contrées en racomptant comment ceulz qui garder les dévoient les eussent destruits ! Dieux ! comment seroit jamais si lait diffamé, non accoustumé en ce noble royaume repparé ne remis ! Et certes, noble Dame, nous véons à présent les apprestes de