Page:Thomassy - Essai sur les ecrits politiques de Christine de Pisan.djvu/90

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commune par l'universel monde, qu’en aultres langues qui l’empêcheront de rester inutile et de déchoir. Si la verront et orront maintes vaillans dames et femmes d’autorité, au temps présent et en cil avenir, qui prieront Dieu pour leur servante Chrestienne, désirant que de leur temps fust sa vie ou que veoir la pussent. »

Et certes elle avait le droit de tenir ce langage, la femme au caractère viril, comme l’avait appelée le chancelier Gerson[1], celle qui avait osé se prendre au fameux Roman de la Rose, et à la réputation alors colossale de Jean de Meung, son auteur, pour ne pas souffrir que son sexe fût amoindri, et pour le réhabiliter hautement en face des clercs et maistres subtils, qui ne purent triompher un instant qu’à l’aide d’une odieuse calomnie. L’histoire de cette lutte morale et littéraire, peut-être la plus brillante parmi les nombreux débats engagés au moyen âge en l’honneur de la femme chrétienne, et dans laquelle le chancelier Gerson

  1. insignis fœmina, virilis fœmina, virago, c’est ainsi que Gerson parle de Christine dans une lettre adressée à un chanoine de Notre-Dame, partisan déclaré du Roman de la Rose, qui, au sujet des attaques dirigées de concert contre ce livre par Christine et le chancelier, avait osé soulever d’indignes soupçons.