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Page:Thoreau - Walden, 1922.djvu/160

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deux ans, est aujourd’hui, en l’été de 52, juste de cinq pieds plus haut que lorsque j’habitais là, ou aussi haut qu’il était il y a trente ans, et on recommence à pêcher dans la prairie. Cela fait une différence de niveau, au maximum, de six ou sept pieds ; et cependant l’eau versée par les collines environnantes est-elle au total insignifiante, ce qui permet d’attribuer ce débordement à des causes affectant les sources profondes. Ce même été l’étang s’est mis à baisser de nouveau. Il est à remarquer que cette fluctuation, périodique ou non, semble ainsi demander nombre d’années pour s’accomplir. J’ai observé une crue et partie de deux décrues, et je m’attends à ce que d’ici douze ou quinze ans l’eau soit retombée au niveau le plus bas que j’aie jamais connu. L’Étang de Flint, à un mille vers l’est, en tenant compte de la perturbation causée par ses voies d’alimentation et d’écoulement, ainsi que les étangs intermédiaires plus petits, sympathisent avec Walden, et récemment atteignirent leur plus grande hauteur en même temps que ce dernier. La même chose est vraie, aussi loin qu’aille mon observation, de l’Étang Blanc.

Cette crue et cette décrue de Walden à de longs intervalles, est utile au moins en ceci : l’eau restant à cette grande hauteur une année ou davantage, si elle rend difficile de se promener autour de lui, tue les arbrisseaux comme les arbres qui ont poussé à proximité de ses bords depuis la dernière crue – pitchpins, bouleaux, aulnes, trembles, et autres – pour, en baissant de nouveau, laisser une rive inobstruée ; car, différent de beaucoup d’étangs et de toutes les eaux soumises à une crue quotidienne, c’est quand l’eau est la plus basse que sa rive est la plus nette. Sur le côté de l’étang voisin de ma maison une rangée de pitchpins hauts de quinze pieds a été tuée et a basculé, comme sous l’effet d’un levier, ce qui a mis arrêt à leurs empiètements ; et à leur taille se comptent les années qui se sont écoulées depuis la dernière crue à ce niveau. Par cette fluctuation l’étang affirme son droit à une rive, et c’est ainsi que les arbres ne peuvent la tenir par droit de possession. Ce sont les lèvres du lac sur lesquelles nulle barbe ne croît. Il se lèche les babines de temps à autre. Lorsque l’eau atteint son plus haut point, les aulnes, les saules, les érables poussent de tous les côtés de leurs troncs dans l’eau une masse de racines rouges et fibreuses de plusieurs pieds de long, et jusqu’à trois ou quatre pieds au-dessus du sol, en leur effort pour se maintenir, et j’ai appris que les buissons d’airelles en corymbe autour de la rive, qui généralement ne produisent pas de fruit, en portent une abondante récolte dans ces circonstances-là.

Il y a eu des gens embarrassés pour expliquer le pavage si régulier de la rive. Mes concitoyens ont tous entendu raconter la tradition – les plus