Page:Thorel de Campigneulles - Cleon, rhéteur cyrénéen, 1750.djvu/81

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grande dévotion, je dus me flatter que Clavilord, c’eſt le nom qu’il portoit, ſeroit un adorateur parfait. Sa timidité ne me parut point ridicule ; comme elle raſſuroit la mienne dans une circonſtance importante & qu’elle flattoit mon orguëil, je lui en ſçûs bon gré. Ce n’eſt pas une petite ſatisfaction pour nous que de porter le trouble, fuſſe dans le cœur d’un novice.

Quoique ſes diſcours ſe ſentiſſent de l’embarras où il étoit, il me loüa d’aſſez bonne grace, pour ſe faire eſtimer ; mais ſes loüanges euſſent-elles été cent fois plus obſcures, l’explication que leur prêtoit le goût que j’avois déja pour lui, leur auroit été avantageuſe. Je déſirois trop vivement pour n’en pas augmenter le mérite.

Cependant pour m’aſſurer tout-à-fait de ſes ſentimens, je fis montre d’incrédulité & de modeſtie. Je lui dis que ſçachant me rendre juſtice, je ne prendrois des complimens qu’il me faiſoit, que ce qui pouvoit me convenir, ce qui les réduiſant à peu près à rien, devoit le dégoûter de la peine qu’il prenoit. Clavilord, continuai-je, vous