Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/127

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mais, dans cette retraite, les Syracusains, sortant des remparts, attaquèrent ceux des alliés d’Athènes qui fermaient la marche, tombèrent sur eux brusquement, mirent en fuite une partie de l’armée et tuèrent beaucoup de monde.

Ce fut après cet événement que Lachès et les Athéniens firent une descente dans la Locride le long du Caïce, et défirent dans un combat environ trois cents Locriens qui étaient venus porter contre eux du secours avec Proxène, fils de Capaton. Après les avoir désarmés, ils abandonnèrent cette côte.

CIV. Le même hiver, les Athéniens, pour obéir à un oracle, purifièrent Délos. Le tyran Pisistrate l’avait déjà purifiée auparavant, mais non dans toute son étendue et seulement dans la partie de l’île qu’on peut apercevoir du temple ; mais à l’époque dont je parle, on la purifia tout entière de la manière suivante. On enleva tous les cercueils qui s’y trouvaient, et il fut ordonné qu’à l’avenir il ne mourrait ni ne naîtrait personne dans l’Ile, mais qu’on transporterait à Rhénie les mourans et les femmes voisines de leur terme. Rhénie est à si peu de distance de Délos que Polycrate, tyran de Samos, qui eut quelque temps une puissante marine, et qui était maître des autres îles, s’étant emparé de Rhénie, la consacra à Apollon, et l’attacha à Délos par une chaîne.

Ce fut après cette purification que les Athéniens célébrèrent pour la première fois les jeux Déliens, qui se renouvellent tous les cinq ans. Il se faisait à Délos, dans l’antiquité, un grand concours des Ioniens et des habitans des îles voisines. Ils y venaient en dévotion avec leurs femmes et leurs enfans, comme à présent les Ioniens vont à Éphèse. On y célébrait des jeux de musique et de gymnastique, et les villes y envoyaient des chœurs. C’est ce que nous apprend surtout Homère, en s’exprimant ainsi dans son hymne à Apollon : « Mais, ô Phœbus, tu chéris surtout Délos, où se rassemblent, avec leurs enfans et leurs respectables épouses, les Ioniens vêtus de robes traînantes ; tu te plais aux jeux qu’ils célèbrent en ton honneur ; tu aimes à les voir s’exercer au pugilat ; tu jouis de leurs danses et de leurs chants[1]. »

Qu’il y eût dans ces fêtes des combats de musique et que l’on vint y disputer le prix, c’est ce qu’il témoigne par un autre passage du même hymne. Il y célèbre les chœurs exécutés par les femmes de Délos, et finit leur éloge par ce morceau, dans lequel il fait mention de lui-même : « Soyez-nous propices, Apollon et Diane ; et vous, vierges de Délos, livrez-vous à une joie pure ; et quand un étranger, après de longues courses, abordera dans votre île et vous demandera quel est de tous les chantres qui fréquentent ces lieux celui que vous trouvez le plus digne de plaire, et dont les chants ont pour vous le plus de charmes, répondez toutes unanimement avec bienveillance : C’est un aveugle qui demeure dans l’île escarpée de Chio[2]. »

Voilà ce que dit Homère, et ce qui prouve qu’il y eut autrefois un grand concours et des fêtes à Délos. Dans la suite, les insulaires et les Athéniens y envoyèrent des chœurs avec des offrandes sacrées ; mais il est probable que les malheurs des temps firent cesser les jeux, jusqu’à ce que les Athéniens les rétablirent à l’époque dont nous parlons, et instituèrent des courses de chevaux, spectacle dont on ne jouissait pas auparavant.

CV. Le même hiver, les Ambraciotes, suivant la promesse qu’ils avaient faite à Euryloque en retenant son armée, marchèrent au nombre de trois mille hoplites contre Argos d’Amphiloquie. Ils entrèrent dans l’Argie et prirent Olpès, place forte voisine de la mer. C’était les Acarnanes qui l’avaient fortifiée, et ils en avaient fait le siège de leur tribunal commun : elle est à peu près à vingt-cinq stades d’Argos, qui est une ville maritime. Les Acarnanes se partagèrent : les uns portèrent du secours à Argos ; les autres campèrent dans un endroit de l’Amphiloquie qu’en appelle les Fontaines, pour observer Euryloque et les Péloponnésiens, et les empêcher de se joindre aux Ambraciotes. Ils envoyèrent aussi offrir le commandement à Démosthène, qui avait conduit les Athéniens en Étolie. Ils mandèrent vingt vaisseaux d’Athènes qui se trouvaient autour du Péloponnèse, et que commandaient Aristote, fils de Timocrate, et Hiérophon, fils d’Antimneste.

Les Ambraciotes des environs d’Olpès envoyèrent de leur côté à la ville implorer le secours

  1. Hymn. ad Apoll., vers. 146 et seqq.
  2. Ibid., v. 165 et seqq.