suspension d’armes, et des conférences s’ouvrirent entre Cléon et Démosthène d’une part, et de l’autre Styphon, fils de Pharax. De ceux qui avaient d’abord commandé, Épitadas le premier était tué, et l’hippagrète[1] qui avait été élu pour commander après lui, était couché encore vivant entre les morts : Styphon avait été élu le troisième ; et, suivant la loi. c’était à lui de commander, s’il arrivait aux autres quelque malheur. D’accord avec ceux qui l’accompagnaient à cette conférence, il dit qu’il voulait consulter, sur le parti qu’il fallait prendre, ceux de leurs concitoyens qui étaient sur le continent. Les Athéniens ne laissèrent passer aucun Lacédémonien ; mais ils appelèrent du continent des hérauts, et la question y fut portée jusqu’à deux ou trois fois. Le dernier qui passa de leur côté, de la part des Lacédémoniens qui étaient en terre ferme, apporta cette réponse : « Les Lacédémoniens vous ordonnent de délibérer vous-mêmes sur ce qui vous concerne, et de ne rien faire de honteux. »
Après s’être consultés entre eux, ils livrèrent leurs armes et se rendirent. On les tint, le reste du jour et la nuit suivante, sous une bonne garde. Les Athéniens élevèrent le lendemain un trophée dans l’île, firent toutes leurs dispositions pour le départ, et confièrent leurs prisonniers à la garde des triérarques[2]. Les Lacédémoniens envoyèrent un héraut pour obtenir la permission de recueillir leurs morts.
Voici le nombre de ceux qui périrent dans l’île et de ceux qui furent faits prisonniers. Il y était passé quatre cent vingt hoplites en tout : de ce nombre, deux cent quatre-vingt-douze furent transportés vivans à Athènes, le reste avait été tué. Entre ceux qui se rendirent, on comptait environ cent vingt Spartiates. Les Athéniens perdirent peu de monde, car l’action fut moins une bataille qu’une déroute.
XXXK. Le siège de l’île, à commencer du combat naval jusqu’à l’affaire qui le termina, dura soixante-douze jours. Dans la vingtaine de jours qui s’était écoulée pendant que les députés firent le voyage d’Athènes, pour y négocier un traité, on avait fourni aux assiégés des subsistances ; ils avaient été nourris le reste du temps par des importations furtives. Il restait encore dans l’île, au moment de la reddition, du blé et d’autres munitions de bouche ; car Épitadas, qui commandait, en distribuait à chacun plutôt au-dessous qu’au-dessus du besoin. Les armées d’Athènes et du Péloponnèse quittèrent Pylos et gagnèrent leurs pays. Ainsi la promesse de Cléon eut son effet, quoiqu’elle tînt de la démence ; car, dans l’espace de vingt jours, il amena les Lacédémoniens comme il s’y était engagé[3].
XL. Les Grecs, dans cette guerre, ne virent aucun événement qui trompât davantage leurs conjectures. Ils avaient pensé qu’on ne pourrait, ni par famine, ni par aucune autre extrémité, réduire les Lacédémoniens à rendre les armes : mais qu’ils s’obstineraient à les garder tant qu’ils auraient quelque reste de force, et ne cesseraient de combattre qu’en cessant de vivre. Ils ne pouvaient croire que ceux qui étaient morts n’eussent pas eu plus de courage que ceux qui s’étaient rendus. Un allié d’Athènes demanda un jour, pour lui faire affront, à l’un des prisonniers de l’île, si ce n’était pas de braves gens que les compagnons qu’ils avaient perdus : « On ne saurait avoir trop d’estime pour les flèches, répondit le prisonnier, si elles savaient discerner les hommes valeureux : » faisant entendre que les pierres et les traits avaient tué indistinctement ceux qu’ils avaient rencontrés.
XLI. Quand ces malheureux furent arrivés, les Athéniens résolurent de les tenir dans les fers, jusqu’à ce qu’il se fit un accord, et de les tirer de leurs prisons pour les égorger, s’il arrivait qu’auparavant les Péloponnésiens fissent une invasion dans l’Attique. Ils mirent une garnison à Pylos. Les Messéniens de Naupacte envoyèrent des plus belliqueux de leurs gens dans cette place qu’ils regardaient comme leur patrie ; car Pylos avait fait partie de l’ancienne Messénide. Ces troupes saccagèrent la Laconie ; et comme elles parlaient la langue du pays, elles y firent beaucoup de mal. Les Lacédémoniens, jusque-là, n’avaient pas éprouvé le pillage ; ils ne connaissaient pas cette façon de faire la guerre ; leurs Hilotes désertaient, et ils craignaient de voir leurs campagnes exposées à des