révolutions encore plus funestes : ils supportaient impatiemment ces malheurs, et quoiqu’ils n’eussent pas voulu que les Athéniens fussent instruits de leurs sentimens, ils leur envoyèrent des députés, pour essayer de se faire rendre et Pylos et leurs hommes. Mais les Athéniens portaient trop haut leurs prétentions ; ils reçurent plusieurs députations, et les renvoyèrent sans rien accorder. Voilà quelle fut l’affaire de Pylos.
XLII. Le même été[1], aussitôt après ces événemens, les Athéniens portèrent la guerre dans la campagne de Corinthe. Ils y envoyèrent, sur quatre-vingts vaisseaux, deux mille hoplites tirés de leur sein, et deux cents cavaliers sur des batimens construits pour cet usage. Ils avaient avec eux leurs alliés de Milet, d’Andros et de Caryste. Le premier de leurs trois généraux était Nicias, fils de Nicératus. Ils s’embarquèrent avec l’aurore et abordèrent entre la Chersonèse et Rhitum, sur la côte où s’élève la colline Solygie. C’est là qu’avaient autrefois campé les Doriens quand ils firent la guerre aux Corinthiens de la ville, qui étaient Éoliens. Il y reste encore une bourgade nommée Solygie, à douze stades[2] du rivage où les vaisseaux prirent terre ; à soixante de Corinthe[3], et à vingt de l’isthme[4]. Instruits d’avance par la voie d’Argos de l’arrivée prochaine de cette armée, les Corinthiens, excepté ceux qui logent en deçà de l’isthme, s’étaient tous rendus sur l’isthme depuis long-temps. Cinq cents hommes avaient été envoyés en garnison dans l’Ambracie et la Leucadie ; les autres, de tout rang et de tout âge, guettaient où les Athéniens feraient leur descente ; mais ceux-ci les trompèrent en abordant de nuit. Cependant les ennemis furent bientôt après avertis de leur arrivée par des signaux, et laissant la moitié de leur monde à Cenchrée, dans la crainte que les Athéniens ne se portassent sur Crommyon, ils se hâtèrent de marcher contre eux.
XLIII. L’un de leurs généraux, nommé Battus, car il y en avait deux à cette bataille, prit avec lui une division et se rendit à Solygie, pour garder cette bourgade qui n’était pas murée. Lycophron fit l’attaque avec le reste. D’abord les Corinthiens donnèrent sur l’aile droite des Athéniens, qui venait de descendre devant la Chersonèse, et attaquèrent ensuite le reste de l’armée. Le combat fut vif ; partout on se battait corps à corps. L’aile droite des Athéniens et des Carystiens, car ces derniers la fermaient, reçut les Corinthiens, et les repoussa, quoique avec peine. Ceux-ci montèrent contre une haie ; et comme le terrain était incliné, ils se trouvèrent plus élevés que les ennemis, les accablèrent de pierres, chantèrent le pœan, et revinrent à la charge. Les Athéniens soutinrent le choc, et l’on se battit d’aussi près que la première fois. Mais un corps de troupes corinthiennes accourut au secours de l’aile gauche, mit en fuite l’aile droite des Athéniens, et les poursuivit jusque sur leurs vaisseaux. Cependant eux et les Carystiens en descendirent encore. Le combat continuait ; l’opiniâtreté était égale des deux parts, et surtout à la droite des Corinthiens, où Lycophron se défendait contre la gauche des ennemis ; car on soupçonnait que leur dessein était de faire une tentative contre Solygie.
XLIV. La résistance fut longue, et ni l’un ni l’autre parti ne cédait. Mais les Athéniens éprouvèrent l’utilité de leur cavalerie ; les Corinthiens, qui n’en avaient pas, furent enfin repoussés, et se retirèrent sur la colline. Ils y dressèrent leurs tentes, ne descendirent plus, et se tinrent dans l’inaction. Cette défaite leur avait coûte la plus grande partie de leur aile droite et leur général Lycophron. Comme le reste de l’armée, une fois forcé, ne fut pas poursuivi avec acharnement, et ne prit pas la fuite avec précipitation, il fit sa retraite sur les hauteurs, et s’y établit. Les Athéniens, contre qui personne ne se présentait plus, dépouillèrent les morts des ennemis, recueillirent ceux qui leur appartenaient, et dressèrent aussitôt un trophée.
Cependant la moitié de l’armée corinthienne, qui était restée campée à Cenchrée, pour empêcher les Athéniens de se porter à Crommyon, n’avait pu apercevoir le combat que leur cachait le mont Onium ; mais à la vue de la poussière qui s’élevait, ils comprirent l’événement et accoururent au secours. Il leur vint en même temps un renfort : c’était les vieillards de Corinthe qui s’étaient mis en marche dès qu’ils avaient su ce qui s’était passé. Les Athéniens, à leur approche, crurent que c’était un secours des villes