Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/170

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les atteindre ; mais quand, partout où ils se présentaient, les coureurs leur firent face ; quand Brasidas lui-même, avec ses hommes d’élite, soutint leurs attaques ; quand on résista, contre leur attente, à leur première impétuosité ; quand on repoussa leur choc ; quand on tint ferme contre eux, et que l’on continuait à se retirer dès qu’ils cessaient d’agir, alors la plupart renoncèrent à s’attacher, en pleine campagne, aux Grecs, compagnons de Brasidas : ils laissèrent seulement une partie de leur monde pour le suivre et le harceler ; les autres prirent leur course à la suite des Macédoniens, et tuèrent tout ce qu’ils purent atteindre. Ils allèrent se saisir d’une gorge qui est entre deux collines. sur les confins de la domination d’Arrhibée, sachant que Brasidas n’avait pas à prendre d’autre chemin dans sa retraite ; ils le cernèrent dès qu’ils l’y virent engagé, se croyant certains de le prendre dans ce sentier difficile.

CXXVIII. Il vit leur dessein, et commanda aux trois cents qui étaient avec lui, de courir en avant sans ordre, et avec la célérité dont chacun d’eux serait capable, à celle des deux collines, dont il lui semblait plus facile de s’emparer, et de tâcher d’en repousser les Barbares, qui déjà commençaient à la gagner, avant qu’ils ne se fussent formés en plus grand nombre pour l’investir. Ils partent, tombent sur les ennemis, et sont maîtres de la colline. Le corps d’armée des Grecs la gagne sans peine ; car les Barbares, voyant leurs compagnons mis en fuite et chassés de la hauteur dont ils s’étaient saisis, sont frappés d’épouvante : ils renoncent à poursuivre les Grecs ; ils les regardent comme arrivés déjà sur les frontières d’un peuple ami, et délivrés de toute crainte. Brasidas, après avoir gagné les hauteurs, continua sa marche avec plus d’assurance, et arriva le même jour à Arnisse, qui fesait partie de la domination de Perdiccas. Les soldats, irrités de la désertion des Macédoniens, brisèrent ou s’approprièrent tout ce qu’ils rencontraient sur leur route, voitures attelées de bœufs, et ustensiles de toute espèce, qui avaient été égarés en chemin, comme il arrive dans une retraite que font de nuit des gens effrayés. Dès lors Perdiccas regarda Brasidas comme son ennemi, et se brouilla pour l’avenir avec les Péloponnésiens ; non qu’il les haït de cœur ; mais par égard pour les Athéniens, il leur témoigna une aversion habituelle : échappé à de grands dangers, il chercha tous les moyens de s’accommoder au plus tôt avec Athènes, et de se détacher du Péloponnèse.

CXXIX. Brasidas, à son retour de Macédoine à Toroné, trouva les Athéniens déjà maîtres de Mendé. Comme il ne se croyait pas en état de passer à Paliène et de se venger des Athéniens, il resta tranquille, et se contenta de tenir Toroné en état de défense. Pendant qu’il avait été occupé dans le pays des Lyncestes, les Athéniens qui s’étaient préparés à reprendre Mendé et Scione, étaient arrivés avec cinquante vaisseaux, dont dix de Chio, mille hoplites fournis par l’Attique, six cents archers, mille Thraces soudoyés, et des peltastes qu’ils avaient reçus de leurs alliés du pays. Les généraux étaient Nicias, fils de Nicératus, et Nicostrate, fils de Diltrépbès. Ils mirent en mer à Potidée, prirent terre près du temple de Neptune, et marchèrent contre Mendé. Les habitans s’avancèrent au secours avec trois cents hommes de Scione, et des auxiliaires du Péloponnèse, formant en tout sept cents hoplites : Polydamas les commandait. Ils campèrent hors de la ville, sur une colline fortifiée par la nature. Nicias, avec cent vingt hommes de Méthone armés à la légère, soixante hoplites d’Athènes, hommes d’élite, et tous les archers, essaya de monter contre eux par un sentier ; mais il reçut une blessure et ne put les forcer. Nicostrate, par un autre chemin plus éloigné, voulut avec le reste des troupes gravir cette colline dont l’accès était si difficile ; mais il fut mis dans le plus grand désordre, et peu s’en fallut que toute l’armée athénienne ne fût défaite. Comme dans cette journée, les gens de Mendé tinrent ferme, les Athéniens se retirèrent et se renfermèrent dans leur camp. La nuit venue, ceux de Mendé rentrèrent dans leur ville.

CXXX. Le lendemain, les Athéniens tournèrent la côte, prirent terre devant Scione, s’emparèrent du faubourg, et employèrent toute la journée à dévaster la campagne sans qu’il sortît personne contre eux ; car il y avait de la sédition dans la ville. Les trois cents hommes de Scione étaient retournés chez eux pendant la nuit. Le jour venu, Nicias, avec la moitié de l’armée, se porta sur la frontière, et saccagea les terres des Scioniens, tandis que Nicostrate, avec le reste des troupes, mettait le siège devant la