Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/189

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« Voici quel sera le serment : je m’en tiendrai à l’alliance suivant les conventions arrêtées, conformément à la justice, sans dol ni dommage. Je ne l’enfreindrai par aucune ruse ni intrigue.

« A Athènes le serment sera prêté par le sénat et les autorités populaires, et sera reçu par les prytanes ; à Argos par le sénat, les quatre-vingts, et les artynes, ce seront les huit cents qui le feront prêter : à Mantinée par les démiurges, le sénat et les autres pouvoirs ; il sera reçu par les théores et les polémarques. A Élis, il sera prêté par les démiurges, les trésoriers et les six-cents : ce seront les démiurges et les thesmophylaces qui le recevront.

« Il sera renouvelé par les Athéniens qui se transporteront à Élis, à Mantinée et à Argos trente jours avant les jeux olympiques ; par les Argiens, les Éléens et les Mantinéens qui se rendront à Athènes dix jours avant les grandes panathénées[1].

« Les articles de ce traité de paix et d’alliance seront inscrits sur une colonne de marbre, à Athènes dans la citadelle ; à Argos dans le marché, au temple d’Apollon ; à Mantinée dans le marché, au temple de Jupiter.

« Il sera posé aussi, à frais communs, une colonne d’airain à Olympie, pendant les jeux olympiques qui se célèbrent maintenant.

« Si ces villes imaginent quelque chose de mieux, elles l’ajouteront à ces articles ; et ce qui sera jugé convenable par toutes ces villes délibérant en commun, aura force de loi. »

XLVIII. Ainsi fut conclu le traité de paix et d’alliance. Les Lacédémoniens et les Athéniens ne renoncèrent pas pour cela à celui qu’ils avaient entre eux ; mais les Corinthiens, alliés des Argiens, n’y entrèrent pas, et ne jurèrent pas non plus celui qui avait été conclu précédemment entre les Platéens, les Argiens et les Mantinéens. Ils regardaient comme suffisante la première alliance défensive, suivant laquelle ils devaient se donner réciproquement des secours, sans attaquer conjointement personne. Ce fut ainsi que les Corinthiens se détachèrent de leurs alliés, et tournèrent de nouveau leurs pensées vers Lacédémone.

XLIX. Cet été se célébrèrent les jeux olympiques, où Androsthène d’Arcadie remporta, pour la première fois, le prix du pancrace[2]. Les Lacédémoniens, pour n’avoir pas payé l’amende à laquelle ils avaient été condamnés, suivant la loi d’Olympie, furent écartés par les Éléens de l’entrée du temple, et privés du droit d’offrir des sacrifices et de participer aux jeux. Ils étaient accusés d’avoir porté les armes contre la citadelle de Phyrcus, et envoyé leurs hoplites à Léprée pendant la durée de la trêve olympique. L’amende était de deux mille mines[3], à deux mines par hoplite, suivant la loi. Les Lacédémoniens envoyèrent des députés représenter qu’ils n’avaient pas été condamnés justement, puisque la trêve n’avait pas encore été déclarée à Lacédémone quand ils avaient fait partir leurs troupes. Les Éléens répondirent que dès lors existait chez eux la suspension d’armes, parce qu’ils étaient dans l’usage de la proclamer d’abord sur leur territoire, et que, tandis qu’ils étaient tranquilles, sans craindre d’hostilités, comme dans un temps de trêve, ils avaient été inopinément attaqués. Les Lacédémoniens répliquaient que les Éléens n’auraient pas dû faire déclarer la trêve à Lacédémone, s’ils s’étaient crus insultés ; qu’en la faisant déclarer, ils avaient montré suffisamment qu’ils étaient loin de cette pensée, et que dès lors Lacédémone n’avait plus porté nulle part les armes contre les Éléens. Ceux-ci persistaient dans le même langage, soutenant qu’on ne leur persuaderait pas qu’ils n’avaient point été offensés ; mais que si Lacédémone voulait leur rendre Léprée, ils lui remettraient, sur l’amende, la somme qui leur revenait, et paieraient pour elle celle qui appartenait au dieu.

L. Comme on ne les écoutait pas, ils se bornèrent à faire une demande aux Lacédémoniens s’ils ne consentaient pas à rendre Léprée : c’était de monter à l’autel de Jupiter Olympien, puis qu’ils ambitionnaient la jouissance de ce temple, et de jurer en présence des Grecs qu’ils paieraient un jour l’amende. Ceux-ci ne voulurent

  1. Les grandes panathénées se célébraient tout les cinq ans, et les petites chaque année.
  2. Douzième année de la guerre du Péloponnèse, première année de la quatre-vingt-dixième olympiade, quatre cent vingt ans avant l’ère vulgaire. Après le 5 juillet.
  3. Cent quatre-vingt mille livres, à quatre-vingt-dix livres la mine.